mercredi 22 décembre 2010

L’application de la théorie des mains propres en droit québécois

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Depuis la décision rendue en 1987 dans l’affaire Labatt, il existe une certaine controverse quant à l’applicabilité de la théorie des mains propres en droit québécois. Par ailleurs, au fil des années la jurisprudence se rallie de plus en plus au point de vue que celle-ci est applicable aux demandes d’injonctions et d’ordonnances de sauvegarde. La décision récente de la Cour supérieure dans Warner Chappell Music France c. Beaulne (2010 QCCS 2632) en est une belle illustration.


Dans cette affaire, les Demandeurs poursuivent les Défendeurs en dommages et en injonction permanente alléguant une violation de droits d’auteur. Un des Demandeurs soutient également que les Défendeurs ont violé certaines obligations contractuelles envers lui, ainsi que son droit à l’image et à sa réputation. À la lumière de ce qui précède, les Demandeurs demandent une ordonnance de sauvegarde visant à empêcher la diffusion d’un documentaire.

Par voie de demande reconventionnelle, les Défendeurs allèguent violation contractuelle et abus de droit et réclament une injonction ordonnant à l’un des Défendeurs d’arrêter de faire obstacle à l’exécution du contrat en question. La Cour est donc saisie de demandes d’ordonnances de sauvegarde mutuelles.

Dans le cadre de son analyse, l’Honorable juge Danielle Grenier se penche, en plus des critères traditionnels d’une ordonnance de sauvegarde, sur le comportement d’un des Demandeurs :
[88] Un autre élément joue en faveur des défendeurs. En droit civil, une vieille maxime veut qu’un tribunal n’entende pas celui qui invoque sa propre turpitude; en droit anglais d’Equity, cela se traduit par la théorie des mains propres.
[89] Quoiqu’il subsiste une controverse dans la jurisprudence relativement à l’application de cette théorie en droit québécois, plusieurs décisions reconnaissent l’opportunité d’appliquer cette théorie, l’injonction étant un recours issu de l’Equity.
Sans nécessairement baser sa décision sur la question, la juge Grenier note que le comportement du Demandeur démontre sa volonté de nuire aux Défendeurs en s’immisçant dans un processus où son soutien plutôt que son boycottage était attendu :
[91] Au présent stade, l’inégalité des parties saute aux yeux. M. Legrand connaît l’ampleur des investissements effectués par les défendeurs. Par son attitude déraisonnable, il crée un déséquilibre dans le rapport de forces; il viole son obligation de loyauté et il abuse de ses droits. De plus, il ne prend même pas la peine de réfuter la preuve puisqu’il choisit de ne pas témoigner par affidavit. Son attitude en est une de désinvolture.
Référence : [2010] ABD 205

Autre décision citée dans le présent billet :

1. Brasserie Labatt Ltée. c. Ville de Montréal, [1987] R.J.Q. 1141 (C.S.).

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