jeudi 11 novembre 2010

Pour retirer la juridiction des tribunaux québécois, une clause d’élection de for doit clairement conférer l’exclusivité aux tribunaux d’une autre juridiction

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Depuis l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, et particulièrement de son livre X traitant du droit international privé, le Québec est un leader en matière de reconnaissance de la juridiction des tribunaux étrangers. Cette réalité se reflète, entre autre, de par l’article 3148 C.c.Q. qui indique que les tribunaux québécois doivent donner effet aux clauses d’élection de for. Par ailleurs, la décision récente de la Cour d’appel dans Bedford Resource Partners Inc. c. Adriana Resources Inc. (2010 QCCA 2030) insiste sur le fait qu’une telle clause d’élection de for doit stipuler clairement l’exclusivité de juridiction.


La clause en question dans cette affaire se lit comme suit :
22.5 This Agreement will be governed and construed according to the laws of the Province of British Columbia and the laws of Canada applicable therein and the parties hereby attorn to the jurisdiction of the Courts of British Columbia in respect of all matters arising hereunder.
Le juge de première instance (l’Honorable Serge Francoeur) en est venu à la conclusion que cette clause ne donnait pas juridiction exclusive aux tribunaux de Colombie-Britannique. Selon lui, elle leur donnait certes juridiction, mais pas à l’exclusion des tribunaux de quelque autre état.

La Cour d’appel confirme son jugement en les termes suivants :
[3] Le Juge, s’appuyant sur la jurisprudence :
[12] La Cour suprême et la Cour d'appel du Québec indiquent clairement que pour être valide, une clause d'élection de for doit obliger impérativement et irrévocablement les parties ou, l'une d'entre elle, à intenter le recours exclusivement devant l'autorité désignée dans la clause.

[13] Dans GreCon Dimter inc., la Cour suprême mentionne que la clause doit avoir un caractère impératif et conférer une compétence exclusive de manière claire et précise à l'autorité étrangère.

[14] Et dans Stmicroelectronics inc. c. Matrox Graphic inc., l'Honorable juge Bich de la Cour d'appel précise que :
[77] … On peut cependant comprendre de GreCon Dimter inc. que la Cour suprême, qui avalise le jugement de la Cour supérieure et y renvoie expressément sous ce rapport, est maintenant bel et bien d'avis qu'une simple cause d"«attornment» ou de reconnaissance de juridiction ne constitue par une clause suffisamment impérative et exclusive pour constituer une véritable clause d'élection de for…

[…]

[84] Il résulte de tout cela que seule peut être considérée comme une véritable clause d'élection de for celle qui, en termes clairs, oblige impérativement et irrévocablement les parties, ou, à tout le moins, l'une d'entre elles, à intenter tous ses recours devant un tribunal précisément désigné et exclusivement devant ce tribunal.
[15] Aussi, le juge Bishop de la Cour supérieure, dans M.F.I. Export Finances inc., étudie la portée d'une clause comprenant l'expression attorn to the juridiction et conclut que pour que la juridiction d'une autorité étrangère soit exclusive, il faut que cela soit précisé de façon claire.

conclut :

[16] Ces critères appliqués à notre cas amènent le résultat que la clause 22.5 est une simple clause de reconnaissance de compétence et non une d'élection de for valide.
[4] Le Juge s’est bien dirigé en droit. Son interprétation des décisions citées est correcte.
Cette décision met donc en relief l’importance de rédiger avec soin les clauses d’élection de for.

Référence : [2010] ABD 154

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