jeudi 7 octobre 2010

Responsabilité civile: la Cour supérieure édicte la norme applicable en matière de déneigement et de déglaçage

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Peu importe vos allégeances politiques ou idéologiques (À bon droit est apolitique), force est de constater que Gilles Vigneault a tout vrai lorsqu'il chante que "mon pays ce n'est pas un pays, c'est l'hiver". Ainsi,  vivre au Québec implique nécessairement l'obligation de composer avec divers intempéries hivernales et de prendre certaines mesures pour assurer la sécurité de sa propriété. L'étendue de cette obligation fait l'objet du jugement intéressant rendu récemment dans Clément c. Painter (2010 QCCS 4631).


Le 13 décembre 2003, c'est jour de Guignolée dans la municipalité de Sainte-Anne-des-lacs. Bravant le froid qui sévit et qui survient après deux jours de pluie verglaçante, le Demandeur et sa conjointe vont de porte à porte recueillir les dons. Le domicile des Défendeurs fait partie de leur trajet de collecte et le Demandeur y est attendu par la Défenderesse qui lui remet sa contribution. Alors qu'il s'apprête à redescendre de la galerie, le pied du Demandeur glisse et il se retrouve tout au bas de l'escalier, sa jambe droite repliée sous lui. Il ressent une douleur au genou droit, causée par une rupture de son tendon du quadriceps qui devra être réparé chirurgicalement. Le Demandeur et sa conjointe intentent donc des procédures en dommages pour obtenir compensation du préjudice subit.

L'Honorable juge Catherine Mandeville rappelle d'abord que le propriétaire d'un fond, sans être l'assureur de toute personne qui y circule, a certaines obligations d'entretien:
[38] Le fardeau de démontrer que les défendeurs ont commis une faute dans l'entretien et n'ont pas exercé les mesures de prudence qu'une personne normale et diligente aurait prises afin de rendre sécuritaire l'accès à leur propriété repose sur les demandeurs.

[39] Rappelons que le propriétaire des lieux n'est pas l'assureur des personnes qui y circulent. Le piéton, surtout lorsque comme en l'instance, il a connaissance des frasques de la météo et sait qu'il y a possiblement des zones de glace, a certainement une obligation de prudence.

[40] Ceci ne signifie pas que le propriétaire des lieux n'a aucune obligation. Cependant, il s'agit d'une obligation de moyens qui se résume essentiellement à prendre en temps utile les moyens raisonnables, efficaces et disponibles pour prévenir le danger pour autrui.

[41] Cette obligation de la part du propriétaire n'implique pas qu'il ait une vigilance de tout instant ni qu'il porte attention aux moindres recoins de sa propriété. Il n'a pas non plus à intervenir au fur et à mesure que s'accumulent les précipitations. Il faut garder à l'esprit que nous sommes au Québec, un endroit où les intempéries et les conditions climatiques entraînent souvent des risques de chutes et d'accidents, et ce, sans qu'on puisse en tenir le propriétaire responsable.

[42] Dans l'affaire Katalin Zoltan Lebel c. Invahoé inc. et P. Farnelli enr., le juge Barbe résume bien l'état de la jurisprudence concernant la responsabilité de propriétaire d'immeuble:

« Selon la jurisprudence, un propriétaire d'immeuble n'a pas la responsabilité de prévenir tous les accidents ou toutes les chutes qui peuvent être faites sur le trottoir, et il est de jurisprudence constante qu'un propriétaire d'immeuble n'est pas l'assureur des piétons et ne peut être tenu d'exercer une vigilance simultanée à tout moment sur l'ensemble de sa propriété. Inversement, cela ne veut pas dire qu'un propriétaire d'immeuble soit toujours exempt de responsabilité pour tout accident qui survient sur le trottoir dont il a la charge. Certes, la loi et la jurisprudence reconnaissent qu'il revient à un propriétaire immobilier d'apporter une vigilance raisonnable dans l'entretien de ses trottoirs – tout en tenant compte de divers facteurs tels que la variabilité des températures, la fréquence des intempéries et l'étendue du territoire à couvrir – les actes posés par un propriétaire immobilier doivent être appréciés en regard du critère applicable à la personne raisonnablement prudente et diligente. Les principes en la matière sont maintenant bien établis. »
En l'instance, la juge Mandeville en vient à la conclusion que les Défendeurs ont commis une faute en ne répandant pas de sable ou d'abrasif pour sécuriser l'escalier, ce qui constituait un moyen raisonnable qui était à leur disposition et que les circonstances imposaient. En effet, à la lumière des conditions météorologiques (pluie abondante durant deux jours, une journée plus froide sans précipitation puis une chute drastique de température avec gel la journée de l'accident), la juge Mandeville est d'opinion qu'il était raisonnable de prévoir la formation de glace et une personne prudente aurait utilisé un abrasif de façon à s'assurer que l'accès à sa demeure soit praticable avec un minimum de risque. Pour la juge, cette conclusion est renforcée par le fait que les Défendeurs participaient annuellement à la guignolée et pouvaient prévoir le passage de bénévoles.

Lecteurs du blogue, soyez donc prudents cet hiver et assurez-vous de prendre les mesures de précaution nécessaire sur votre propriété.

Référence : [2010] ABD 119

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Katalin Zoltan Lebel c. Invahoé inc. et P. Farnelli enr., B.E. 99BE-872 (C.Q.).

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