jeudi 28 octobre 2010

Le court délai donné pour accepter une offre de règlement n'est pas un motif pour demander la nullité d'une transaction

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Est-il possible de demander l'annulation d'une transaction au motif que le délai qui nous a été accordé pour l'accepter ou la refuser était si court qu'il était impossible de prendre une décision éclairée? Cette question intéressante a fait l'objet d'un jugement récent de la Cour supérieure dans Castro c. Delta Air Lines Inc. (2010 QCCS 4997).


Dans cette affaire, la Défenderesse présente une requête en rejet de la réclamation des Demandeurs au motif qu'ils ont tous signé une transaction en règlement complet et finale du différend qui les opposait à la Défenderesse. Les Demandeurs reconnaissent avoir signé ces transactions, mais ils en demandent l'annulation devant la Cour.

Les Demandeurs sont d'anciens agents de bord de la Défenderesse. Au début 2008, la Défenderesse les avise qu'elle met fin à leurs contrats d'emploi. Le 7 février 2008, elle leur fait parvenir une offre d'indemnité de départ, laquelle est ouverte pour acceptation jusqu'au 3 mars suivant, à défaut de quoi la Défenderesse les informe qu'elle leur paiera seulement le minimum requis par la loi. Suivant la réception de ces offres, les Demandeurs demandent à savoir s'il seront toujours éligibles pour le programme de retraite de la Défenderesse. Cette dernière leur répond que cet élément ne fait partie de son offre et qu'ils ne seront donc pas éligibles. Les Demandeurs acceptent les offres faites par la Défenderesse.

Quelques mois plus tard, la Défenderesse ferme son centre d'appel à Montréal, ce qui entraîne la terminaison de plusieurs autres emplois. Contrairement à sa décision pour les Demandeurs, la Défenderesse offre cette fois une indemnité de départ qui inclut la participation au programme de retraite aux personnes qui perdent ainsi leur emploi. Apprenant ce fait, les Demandeurs déposent des actions en dommages dans lesquelles ils allèguent que le délai insuffisant qui leur a été accordé pour répondre aux offres était abusif et qu'ils ont conséquemment le droit à l'annulation des transactions.

L'Honorable juge William Fraiberg note que l'article 1399 du Code civil du Québec ne laisse place au vice de consentement que dans les cas d'erreur, crainte ou lésion. Puisque les Demandeurs allèguent que ces la pression du court délai pour accepter les offres qui est la base de leur recours, cela exclut l'erreur et la lésion. Reste la question de la crainte.

Analysant la question, le juge Fraiberg en vient à la conclusion que le délai donné pour accepter les offres de la Défenderesse ne peut constituer de la crainte au sens du Code:
[17] There is no violence here. Nor is there a threat. A time-limited offer is not a threat.
[18] To communicate an offer with a delay for acceptance is not to threaten the offeree but to provide him or her with useful information, namely how long the offeror will consider himself bound by the offer should it be accepted.
[19] That is because without the stipulation of a delay, the offeror would be free to withdraw the offer at any time before the offeree accepts it and the offer would lapse after a reasonable time in any event.
[20] The indication that the offer will lapse on expiry of the delay is not a warning of harm the offeror will cause the offeree unless he accepts it on time because the lapse does not entail the removal of something that belongs to the offeree to begin with. Neither his person nor his patrimony is harmed by the lapse of the offer.
[21] The only thing “lost” is a right of acceptance with binding effect, but that is a right that lasts only as long as the offeror has promised it will. The loss of the bargain is not a harm inflicted by the offeror, but the result of the offeree’s choice not to accept it.
Continuant son analyse, le juge Fraiberg est également d'opinion que les contraintes financières, i.e. la nécessité pour les Demandeurs de bénéficier d'un revenu alternatif le plus rapidement possible, ne peuvent non plus formées l'assise d'une demande d'annulation:
[22] However, even if the indication that the offer will lapse after the indicated delay were construed as a threat, the threat would be one of economic prejudice. There is no such thing as economic violence under the law of Quebec. A threat of economic prejudice does not vitiate consent unless the threat itself is criminal (e.g. extortion or blackmail) or unless it is made in the furtherance of activity that is unlawful (e.g. trade offences). 
[23] That is far from the case here.
[24] Furthermore, as article 1404 CCQ tells us, simple awareness by the party in the stronger bargaining position that the weaker party is under financial constraint to accept an offer does not vitiate the latter’s consent if the stronger party acts in good faith.
Finalement, le juge Fraiberg note que la véritable base du recours semble être la différence de traitement entre les Demandeurs et les autres personnes ayant perdu leur emploi auprès de la Défenderesse. Bien qu'il est sympathique à leur situation, il note qu'il n'existe aucune obligation légale d'offrir des indemnités de terminaison similaires à tous:
[27] By their logic, Delta should have allowed them to wait that long before obliging them to respond to the termination letters so that they could then be in a position to demand equal treatment. They assert that to treat one group of terminated employees in a settlement better than another group terminated earlier was in theirs is a ground for the earlier group to have their settlement annulled.
[28] Such an expectation is unreasonable and unrealistic. Delta was as entitled to know the position of the Plaintiffs as the latter were entitled to know its own in order to plan accordingly and it should not have been expected to wait until the next time it dismissed Canadian employees to ascertain how the Plaintiffs would react.
[29] Furthermore, if the Plaintiffs expected that other Canadian employees would be treated no better than they had been when they signed their settlements, assuming they even thought of it at the time, the expectation cannot be considered an annullable error since it relates to a future uncertain event rather than an ascertainable past or contemporaneous one.
[30] On a standard of good faith, the Plaintiffs had no right to expect more from Delta than that it should give them enough time to make an informed decision. Almost four weeks would seem to have been enough.
Voilà un jugement très intéressant en matière de droit de l'emploi.

Référence : [2010] ABD 137

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