mardi 26 octobre 2010

La responsabilité des administrateurs ou officiers n'est pas automatiquement engagée lorsqu'une compagnie insolvable continue de faire des affaires

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Il ne fait pas de doute que l'occupation de la charge d'administrateur ou d'officier d'une compagnie devient plus risquée lorsque celle-ci est insolvable. Par ailleurs, il est faux de prétendre que la responsabilité des administrateurs ou officiers d'une compagnie insolvable sera engagée dès lors qu'ils décident de continuer à faire des affaires nonobstant cet état d'insolvabilité, comme le démontre la décision récente rendue dans Promptex Yarns inc. c. Inhaber (2010 QCCS 4960).


Dans cette affaire, la Demanderesse poursuit le vice-président de sa débitrice insolvable suite au non-paiement de marchandises livrées. La compagnie avait émis des chèques post-datés, mais ceux-ci n'ont pu être honorés par la Banque.

L'Honorable juge Claude Auclair rejette l'action de la Demanderesse, exprimant l'opinion que le seul fait pour un administrateur ou officier de continuer les affaires d'une compagnie insolvable n'entraîne pas automatiquement sa responsabilité:
[18] Dans Messageries A.D.P. inc. c. Huguette Caron et al., la juge Carole Julien de notre Cour écrit :
La décision de continuer les opérations normales de l’entreprise, malgré une situation difficile, n’entraîne pas en soi la responsabilité extracontractuelle des actionnaires et administrateurs.
[19] La demanderesse, au fil du temps, a constaté des délais importants dans le paiement des factures par Main Knitting. Elle a produit une carte client indiquant jusqu’à 112 jours de délai pour le paiement de ses achats.
[20] Toujours dans Ceridian, le juge Gascon écrit :
[124] That being the case, for directors to be personally liable for having allowed their CBCA corporation to incur debt while being aware of its insolvency, a creditor must prove an extracontractual liability of some sort on the part of the directors.

[126] In that case, the Court of Appeal stated that the future insolvency of the corporation did not render the shareholders or the directors personally liable for a debt that they had never guaranteed in any fashion. This is the essence of the separate juridical personality of the corporation.
[21] Dans Méthot c. Banque fédérale de développement du Canada le juge J. Claude Larouche écrit :
[60] Cette forme de responsabilité des administrateurs est reconnue par nos tribunaux. Celle-ci résulte des dispositions de l'article 1457 C.c. qui traite de la responsabilité extracontractuelle. Cette responsabilité extracontractuelle des administrateurs est surtout retenue dans les cas où il y a eu de fausses déclarations, mensonges et présentation de faux états financiers. De telles situations empêchent en pratique l'administrateur poursuivi de se retrancher derrière le voile corporatif.
[61] Certes, MÉTHOT a mentionné à la BANQUE qu'elle serait entièrement payée des prêts garantis par les hypothèques sur les immeubles et les équipements des usines de Montmagny et de St-Jean-Port-Joli. La Cour, dans l'affaire Boucher c. Pitre qui présente certaines analogies avec le présent dossier, a refusé de retenir la faute personnelle de l'administrateur agissant dans le cadre de ses fonctions. MÉTHOT, en mentionnant à la BANQUE qu'elle serait entièrement payée, a agi dans le cadre habituel de ses fonctions. La principale faute reprochée à MÉTHOT est le déménagement des équipements sans avoir obtenu préalablement l'autorisation écrite de la BANQUE.
[22] On est loin de cette affaire.
[23] Traitant de l’insolvabilité de la compagnie et de la responsabilité personnelle, Martel écrit :
Les arrêts Lanoue et Regor démontrent que le droit québécois n’impose pas aux administrateurs d’une compagnie insolvable de responsabilité personnelle en raison du simple fait que leur compagnie est, à leur connaissance, insolvable et qu’ils décident de la faire continuer ses opérations.
En ce sens, notre plus haut tribunal refuse de reconnaître l’existence, en droit québécois, de la responsabilité pour insolvent trading que consacrent statutairement certains pays du Commonwealth. C'est une bonne chose, car il faut que les administrateurs soient motivés à déployer les efforts nécessaires pour surmonter les quasi-inévitables baisses dans la rentabilité de leurs entreprises, plutôt que d’être incités à abandonner tout effort de relance aux premiers signes de difficultés financières.
(...)
La décision Ceridian est rassurante pour les administrateurs, en ce que non seulement elle affirme clairement la non-application de l’ « insolvent trading » au Québec, mais aussi en ce qu’elle limite la responsabilité extracontractuelle pour omission d’un administrateur au cas où il est prouvé que celui-ci laisse sciemment un tiers transiger avec la compagnie alors qu’il sait que son insolvabilité est sans issue et que le tiers ne sera pas payé ou remboursé.
[24] Tel n’est pas notre cas, et ce, jusqu’au 6 mars où Main Knitting bénéficiait toujours du support de son financier GMAC. C’est postérieurement que les choses ont changé.
[25] Le tribunal ne constate aucune faute par omission du défendeur.
Référence : [2010] ABD 135

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Messageries A.D.P. inc. c. Huguette Caron et al., AZ-50188412 (C.S.).

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.