mercredi 22 septembre 2010

Une requête en jugement déclaratoire est irrecevable lorsqu'elle est équivalente à une demande d'opinion juridique

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

La requête en jugement déclaratoire est un véhicule procédural puissant et important à la disposition de justiciables qui font face à une difficulté réelle. Par ailleurs, c'est aussi un véhicule procédural dont la portée peut facilement devenir excessive et c'est pourquoi les tribunaux québécois ont pris bien soin d'en définir les limites à travers les années. La décision rendue par la Cour supérieure dans Gestion MAR c. 9119-1882 Québec Inc. (2010 QCCS 257) s'inscrit dans cette lignée.


Dans cette affaire, il existe un différend entre les parties quand à l'interprétation à donner à une offre d'achat immobilière acceptée, et plus spécifiquement quant aux conséquences du défaut de remettre le dépôt prévu au contrat dans les délais impartis. La demanderesse dépose donc une requête en jugement déclaratoire pour que le tribunal tranche la question. La défenderesse, pour sa part, en demande le rejet au motif qu'il s'agit simplement d'une demande d'opinion juridique, laquelle est irrecevable.

L'Honorable juge Jean-François de Grandpré en vient à la conclusion que la position de la défenderesse est correcte et qu'il y a lieu de rejeter immédiatement les procédures intentées. Ce faisant il rappelle qu'il n'est pas approprié de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une opinion juridique et que la requête en jugement déclaratoire n'est pas le moyen approprié lorsque des procédures subséquentes seraient de toute façon nécessaires entre les parties:
[24] Dans sa Requête introductive, la Demanderesse reconnaît que le chèque de 50 000,00 $ qui est requis par le paragraphe 4.2 de son offre n'a pas été remis au courtier au moment où la promesse a été signée et que ce chèque n' a pas été remis au notaire en fidéicommis avant le 11 septembre 2009. Ce fait est allégué de façon spécifique au paragraphe 12 de la requête. Que le chèque ait été daté du 26 août ne change absolument rien, surtout que la contre-proposition a été acceptée le 18 août.

[25] Le texte des documents contractuels qui constituent l'Entente est clair et ne souffre d'aucune ambiguïté. La clause 4.2 n'a jamais été modifiée. L'ajout de conditions additionnelles n'a eu aucun effet sur l'engagement de la Demanderesse de déposer avec le courtier un chèque qui devait être remis au notaire dès l'acceptation et la conclusion de l'Entente. 
[26] La Demanderesse tente illégalement d'obtenir une opinion juridique dans le but d'intenter possiblement ultérieurement un recours en passation de titre ou de pouvoir continuer la transaction en procédant à son inspection diligente. Que la Demanderesse ait tort ou raison, la décision que pourrait rendre le tribunal ne mettra pas fin au litige. Sa requête est par conséquent inutile et ces motifs sont suffisants pour la rejeter.

Ainsi, le juge de Grandpré énonce le principe voulant que l'interprétation large et libérale à donner à la requête en jugement déclaratoire ne peut pallier à l'absence de réelle difficulté entre les parties:
[29] Le fait que les tribunaux aient à l'occasion suggéré que l'article 453 doit recevoir une application large et libérale, ne permet toutefois pas de passer outre aux termes clairs de l'Entente entre les parties. Nous ne sommes pas ici en matière constitutionnelle ou administrative. Il s'agit tout simplement de vérifier si l'Entente pourtant très claire doit être mise de côté sous prétexte que les parties pourraient avoir chacune une interprétation différente de l'engagement pris par la Demanderesse en faisant son offre pour acquérir l'immeuble de la Défenderesse.

[30] La requête de la Demanderesse est a sa face même mal fondée et il n'est pas dans l'intérêt des parties ni de la saine administration de la justice que le litige se prolonge.

[31] Si tant est que la Demanderesse pense avoir un droit à faire valoir, il s'agit d'un droit purement personnel qui pourra être compensé par des dommages le cas échéant.
 
Référence: [2010] ABD 104

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