jeudi 16 septembre 2010

Responsabilité contractuelle: Cour d'appel réitère qu'on ne peut se dégager de sa responsabilité en invoquant la faute d'une partie que l'on a engagée

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Une partie à un contrat qui a manqué à une de ses obligations peut-elle faire valoir, à titre de moyen de défense, qu'elle n'a commis aucune faute et que ce sont plutôt ses conseillers juridiques et financiers qui sont responsables de l'inexécution? C'est la question à laquelle devait répondre la Cour d'appel dans 6385567 Canada Inc. c. Gagnon, Brunet, Avocats (2010 QCCA 1625).


Une transaction portant sur un immeuble de bureaux tourne mal quand le vendeur et l'acheteur se disputent le montant dû en application de la clause d'ajustement du prix. Les parties à la transaction avaient confié des sommes en fidéicommis à leurs avocats respectifs en prévision du paiement de cet ajustement. Quand le cabinet comptable chargé du calcul du prix définitif donne raison à l'acheteur, le vendeur et ses avocats refusent de payer. L'acheteur intente une action devant la Cour supérieure contre le vendeur et ses avocats et le vendeur intente sa propre action contre l'acheteur et ses avocats. La Cour supérieure donne raison au vendeur. En appel, un des moyens de défense opposé par l'acheteur est qu'il n'a commis aucune faute et que ce sont ses avocats et comptables qui sont responsables du manquement contractuel.

L'Honorable juge Nicholas Kasirer, au nom d'un banc unanime, rappelle qu'en matière contractuelle c'est l'inexécution de l'obligation qui constitue la faute. Ainsi, la faute commise par les personnes engagées par l'acheteur ne le dégage pas de sa responsabilité envers le vendeur:
[37] Comme premier moyen, l’acheteur soutient que le vendeur n’a pas de recours valable contre lui en droit. Outre son argument selon lequel c’est plutôt le vendeur et leurs avocats qui sont en défaut de paiement à son endroit, l’acheteur soutient que la faute alléguée par le vendeur est celle du cabinet comptable Demers Beaulne et non la sienne. En effet, la requête introductive d’instance du vendeur allègue une faute commise par le cabinet comptable dans le calcul de l’ajustement du prix. L'acheteur ajoute que le vendeur n'a allégué aucune faute de sa part, ni en première instance ni en appel. En ce sens, le recours vise la mauvaise personne. Le vendeur aurait dû poursuivre le cabinet comptable et non l'acheteur pour la perte qu'il a subie.

[38] L’acheteur a tort d’identifier le comportement de Demers Beaulne comme le fondement de l’action prise contre lui par le vendeur. Le vendeur invoque l’inexécution de la Convention de vente, plus précisément le non-paiement de l'ajustement du prix qui lui est dû par l’acheteur pour les parts et les actions qui sont l’objet du contrat de vente. Il s’agit d’une inexécution contractuelle au sens de l’article 1590 C.c.Q., comportement qui donne ouverture à une demande d’exécution en nature par le créancier de l’obligation – ici le vendeur – qui demande que le solde du prix convenu lui soit versé par son débiteur, l'acheteur. Que le comportement du cabinet comptable lors du calcul de l'ajustement soit qualifié de faute ou non, il n’est pas le fait générateur de responsabilité de l’acheteur à l’endroit du vendeur. L’inexécution contractuelle de l’acheteur est le fondement de ce recours : le vendeur prétend, avec raison, que l'acheteur lui doit la partie non payée du prix aux termes de la clause 2.3 de la Convention de vente.
Référence: [2010] ABD 96

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