mercredi 15 septembre 2010

Clause boomerang: la Cour supérieure souligne l'importance de répondre à une offre conformément au mécanisme prévu dans la clause

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Les jugements québécois sur les clauses boomerang (communément appelées "clauses shotgun") ne font pas légion et c'est pourquoi nous avons lu avec intérêt la décision rendue le 9 septembre dernier par l'Honorable juge Micheline Perreault dans Fiducie Stéphane Turchetta c. Amahri (2010 QCCS 4246). Cette décision met en relief l'importance de respecter les conditions d'une telle clause à la lettre.


Les faits de l'affaire sont relativement simples. Les deux associés d'une entreprise s'entendent pour mettre fin à leur association, mais n'arrivent pas à s'entendre sur les termes de cette terminaison. L'un deux utilise donc le mécanisme prévu à la clause boomerang entre les parties pour faire une offre. Or, cette offre ne fait pas seulement état d'une valeur de rachat des actions, mais stipule également plusieurs conditions. La juge en fait état comme suit:
[11] L'Offre prévoit notamment l'achat de la totalité des actions d'Amahri pour le prix d'un dollar (1,00$) et inclut d'autres conditions, telles:
1) Une quittance en faveur d'Amahri des dettes encourues auprès de Visa Desjardins, dont Turchetta et Amahri étaient personnellement responsables; 
2) Un engagement de Fiducie à respecter les baux en vigueur; 
3) Une reconnaissance de dette par Amahri à l'égard de Pro-Rafi de 40 000,00 $ pour rembourser sa part des dettes de Pro-Rafi; 
4) Les termes de remboursement du montant de 40 000,00 $; 
5) Une renonciation par Fiducie à l'application de la clause de non-concurrence dans la Convention;  
6) Le remboursement à Amahri d'avances que ce dernier aurait faites à Pro-Rafi au montant de 4 500,00 $;

[12] Selon la Clause, Amahri a trente (30) jours pour répondre à l'Offre et le défaut d'y répondre est présumé constituer une acceptation.

Or, le défendeur se contente comme seule réponse d'indiquer que l'offre, parce que conditionnelle, ne respecte pas les termes de la clause. Cette décision s'avère coûteuse (du moins aux yeux de la Cour supérieure) puisque la juge Perreault ne voit aucune difficulté avec la formulation d'une offre assortie de certains conditions:
[19] Le Tribunal n'y voit aucun obstacle. En effet, rien n'empêche que l'Offre soit conditionnelle à ce que Amahri reconnaisse être endetté pour la somme de 40 000,00 $. En effet, la Clause prévoit expressément que l'offrant est libre d'établir non seulement le prix des actions, mais aussi les « termes et conditions » de son offre. On n'y voit aucune limitation ou restriction à la portée de ces conditions et rappelons que, si Amahri avait « renversé » la Clause afin d'obliger Turchetta de vendre, ce dernier aurait été automatiquement lié par la même condition de son côté.
Ce faisant, elle en vient également à la conclusion que la réponse du défendeur n'est pas conforme avec la clause boomerang et décrête qu'il faut contractuellement y voir une acceptation tacite:
[21] La lettre d'Amahri se limite à invoquer que la Clause n'a pas d'application du fait qu'il a remis sa démission comme administrateur et aussi que la reconnaissance de dette n'est pas permise. Une telle réponse n'est pas conforme au sous-paragraphe 6 b) i).

[22] En effet, Amahri avait trente (30) jours pour soit accepter l'Offre telle quelle ou se porter lui-même acquéreur de toutes les actions de Fiducie aux mêmes prix, termes et conditions établis dans l'Offre. Faute de poser l'un ou l'autre de ces gestes, il est présumé avoir accepté l'Offre. Ainsi, face à une offre d'achat valide, il n'avait pas d'autres options.

[23] Puisque le Tribunal est d'avis que l'Offre est valide, Amahri doit vendre ses actions à Turchetta.

Comme on peut le voir de cette décision, les clauses boomerang peuvent être de puissants outils pour mettre fin à une association, mais il importe d'en respecter les conditions à la lettre pour éviter les mauvaises surprises.

Référence : [2010] ABD 95

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