mercredi 15 septembre 2010

La protection de l'article 65.1 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne bénéficie qu'à la partie qui se place sous la protection de la loi

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

On plonge dans le domaine de la faillite et l'insolvabilité ce matin sur le Blogue. C'est la décision de la Cour supérieure dans Distnet Inc. c. Gaucher (2010 QCCS 4247), laquelle traite des droits d'un créancier en cas du dépôt d'un avis d'intention par la débitrice sous l'égide de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, qui nous inspire.


En mars 2010, la demanderesse offre de prêter une somme de 405 000 $ à deux des défendeurs et la mise-en-cause Crème Glacée Lambert. Cette offre est acceptée. Le prêt est garanti par deux actes d'hypothèques mobilières. Quelque temps plus tard, Crème Glacée Lambert fait face à des difficultés financières et, le juin 2010, elle dépose un avis d'intention de faire une proposition à ses créanciers. Cet état d'insolvabilité de Crème Glacée Lambert constitue un défaut au terme des actes d'hypothèques. La demanderesse invoque donc la clause de déchéance du terme et cherche à exercer ses droits hypothécaires sur certains biens des défendeurs grevés en sa faveur. Ces derniers contestent en invoquant l'article 65.1 de la loi, lequel prévoit:
65.1 (1) En cas de dépôt d’un avis d’intention ou d’une proposition à l’égard d’une personne insolvable, il est interdit de résilier ou de modifier un contrat — notamment de garantie — conclu avec cette personne ou de se prévaloir d’une clause de déchéance du terme figurant dans un tel contrat, au seul motif que la personne en question est insolvable ou qu’un avis d’intention ou une proposition a été déposée à son égard.

[…]

(5) Les paragraphes (1) à (3) l’emportent sur les dispositions incompatibles de tout contrat, celles-ci étant sans effet.

L'Honorable juge Claudine Roy rejette cette prétention. Selon elle, l'article 65.1 empêche la demanderesse d'exercer ses droits contre la mise-en-cause, mais rien n'empêche que l'insolvabilité de cette dernière entraîne des conséquences juridiques pour les autres débitrices:
[12] En vertu de cette disposition, il est donc impossible pour Distnet d'exercer sa garantie contre Crème Glacée Lambert.
[13] Distnet invoque plutôt l'application de l'acte hypothécaire avec dépossession.
[14] Dans cet acte hypothécaire M. Gaucher, Gaucher inc. et Sogelam hypothèquent la totalité des actions qu'ils détiennent dans le capital social de Crème Glacée Lambert, en garantie d'un prêt solidaire avec Crème Glacée Lambert
[...]
[19] L'article 65.1 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité interdit de se prévaloir de la clause de déchéance de bénéfice du terme eu égard à Crème Glacée Lambert mais l'avis d'intention constitue néanmoins un défaut.

[20] L'article 9.01 prévoit qu'en cas de défaut, toutes les obligations deviennent immédiatement exigibles et que Distnet peut exercer ses recours hypothécaires.
[...]
[23] Ils invoquent qu'autoriser la prise en paiement équivaudrait à faire indirectement ce que l'article 65.1 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité interdit de faire. Pourtant, l'article 65.1 ne vise que la personne qui dépose l'avis d'intention, pas les garants.
[24] Il est possible de tirer une analogie avec la possibilité d'exercer un recours contre une caution malgré la faillite du débiteur ou malgré l'acceptation d'une proposition.

Une décision drôlement intéressante sur la question.
 
Référence : [2010] ABD 94

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