lundi 20 septembre 2010

Le seul écoulement du temps dans les procédures judiciaires n'équivaut pas nécessairement à abus

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il existe encore des dossiers judiciaires en première instance qui sont régis par les règles de procédure en vigueur avant le 1er janvier 2003. C'est le cas des procédures pendantes dans l'affaire Garneau c. Chaumière Juchereau-Duchesnay inc. (2010 QCCS 4155) où l'Honorable juge Bernard Godbout est saisi d'une requête en rejet d'action.


Dans cette affaire, les défendeurs présentent une requête aux termes de laquelle ils demandent que soit rejetée l'action contre eux et au motif que, depuis la signification d'une déclaration amendée le 30 septembre 2002, les demandeurs n'ont aucunement fait progresser leur dossier et aucune autre procédure utile n'a été déposée au dossier de la Cour ni ne leur a été signifiée Les autres allégations de la requête précisent le caractère inactif des demanderesses au plan corporatif, le délai de près de huit ans qui s'est écoulé depuis l'institution des procédures, ainsi que le préjudice que les défendeurs allèguent subir de la seule existence du présent dossier judiciaire.

La première question que le juge Godbout doit trancher est celle de savoir quelles sont les règles procédurales applicables. Puisque les procédures ont été instituées avant le 1er janvier 2003, il en vient à la conclusion que ce sont les règles anciennes de procédure qui régissent l'affaire et que la règle du 180 jours ne s'applique pas en l'instance faute d'accord à cet égard entre les parties:
[12] La question de déterminer quelle loi doit être appliquée, étant donné la date de l'institution des procédures en septembre 2002 et les modifications apportées au Code de procédure civile (C.p.c.) le 1er janvier 2003, n'a pas été discutée. 
[13] Toutefois, l'article 179 de la Loi portant réforme du Code de procédure civile prévoit ce qui suit:
«Les demandes introduites avant le 1er janvier 2003 sont régies par la loi
ancienne, sauf aux parties à convenir de procéder suivant les règles nouvelles. Celles-ci ne peuvent cependant exercer un tel choix dans les cas visés aux articles 174 à 177.»
[14] Cet article, lu en relation avec les propos tenus par l'honorable Louis LeBel dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Lac d'amiante du Québec ltée c. 2858-0702 Québec inc. répond à cette question fondamentale de déterminer, d'une part la loi qui s'applique à la présente situation et d'autre part, si le tribunal peut exercer, comme le demandent les défendeurs, son pouvoir inhérent.

Puisque ce sont les règles anciennes qui s'appliquent, les défendeurs devaient procéder par voie de requête en péremption d'instance, laquelle ne peut être accueillie puisque la partie demanderesse a déposé une procédure utile sous la forme d'une inscription par défaut:
[20] CONSIDÉRANT que la péremption a été couverte en l'instance par la production d'un acte de procédure utile par les demandeurs, soit une inscription pour jugement par défaut de plaider, avant qu'il ne soit statué sur la requête des défendeurs;

[21] Le Tribunal ne peut, dans les circonstances, exercer son pouvoir inhérent aux fins de rejeter l'action, la requête des défendeurs étant de la nature d'une requête en péremption d'instance.

Par ailleurs, les articles 54.1 C.p.c. et suivants, eux, sont applicables à toute instance pendante au 1er juin 2009. Cependant, selon le juge Godbout le simple écoulement du temps, même 8 ans en l'occurrence, n'est pas suffisant pour conclure à abus du processus judiciaire:
[22] Quant à l'article 54.1 C.p.c., il ne peut davantage à ce moment-ci et dans le présent contexte faire en sorte que soit rejeté le recours, les procureurs de l'une et l'autre des parties n'ayant plaidé que la question du délai pour démontrer le caractère abusif, sans plus.
Référence : [2010] ABD 101

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