mardi 7 septembre 2010

L’action par laquelle l’on réclame le transfert de propriété de valeurs mobilières peut être intentée dans le district du siège social de la compagnie

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Depuis l'entrée en vigueur du livre X du Code civil du Québec qui traite, entre autres sujets, de la juridiction des tribunaux québécois, la portée des articles 68 C.p.c. et suivants est beaucoup plus restreinte. Par ailleurs, le district judiciaire approprié pour une action en justice demeure souvent un facteur stratégique important, de sorte que l'équipe du Blogue s'excuse sincèrement d'avoir jusqu'à maintenant négligé cette partie du Code de procédure civile. Nous remédions à ce défaut aujourd'hui en attirant votre attention sur l'affaire Fiducie familiale Hélan c. Fiducie immobilière DCCC (2010 QCCS 4013).


Dans cette affaire, la demanderesse réclame le transfert des actions de la mise-en-cause (4438230 Canada inc.) détenues par la défenderesse conformément aux termes d'une convention unanime d'actionnaires intervenue entre les partie. La poursuite est instituée dans le district judiciaire de Drummond. Or, selon la défenderesse, la convention sur laquelle se fonde l'action de la demanderesse est intervenue dans le district de Longueuil, de sorte que la cause devrait y être transférée en application du paragraphe 3 de l'article 68 C.p.c.

L'Honorable Jean-Guy Dubois en vient à la conclusion que ce moyen déclinatoire est mal fondé. En effet, l'action visant le transfert des actions est, selon lui, une action mixte régie par l'article 73 C.p.c.:
[27] En effet, le tribunal, après avoir examiné les dispositions de l'article 73 C.p.c. conclut qu'il s'agit d'une action réelle et d'une action mixte. En cela le tribunal fait sien les éléments amenés par l'honorable juge Chamberland de la Cour d'Appel le 26 juin 1995 dans la cause Bern vs Bern dossier numéro 500-09-001246-941 dans laquelle le juge Chamberland était avec ses collègues les juges Gendreau et Proulx. 
[28] Le juge Chamberland a émis une opinion qu'ont suivi ses collègues. Certains éléments sont indiqués à la page 7 :
« The ownership of shares is a real right of the shareholder and not a personal right (Smith c. Levesque (1923) 34 K.B. 439; In Re Bastien et al et Legendre et al c. Cloutier et al (1935) 73 S.C. 230; De Tremblay c. Rosenia S.A. (1980) S.C. 762 (Flynn J.), a subsequent appeal to this Court was dismissed, with costs (C.A. Montreal, 500-09-001046-804, January 7, 1981). »
[29] Également, l'honorable juge Chamberland mentionne en se fiant sur le Vocabulaire juridique:
« « action réelle », « action personnelle » et « action mixte » are accurately defined as follows, at pages 20-21 :

réelle. Action par laquelle on demande la reconnaissance ou la protection d'un droit réel (droit de propriété, servitude, usufruit, hypothèque) et qui est mobilière si le droit réel exercé porte un meuble. Ex. action en revendication d'un meuble perdu ou volé; immobilière si le droit porte sur un immeuble. Ex. action en revendication d'un immeuble.

personnelle. Action par laquelle on demande la reconnaissance ou la protection d'un droit personnel (d'une créance) quelle qu'en soit la source (contrat, quasi-contrat, délit, quasi-délit) et qui est, en général, mobilière, comme la créance dont l'exécution est réclamée (ex. action en recouvrement d'un prêt d'argent) mais qui peut être immobilière, si cette créance l'est aussi. Ex. l'action en délivrance de tant d'hectares de terre dans un terrain de lotissement.

mixte. Action par laquelle le demandeur agit tout à la fois en reconnaissance d'un droit réel et en exécution d'une obligation. Ex. l'action en résolution de la vente exercée contre l'acheteur pour défaut de paiement du prix; l'action par laquelle l'acquéreur ou le donataire demande à être mis en possession de l'immeuble dont il est devenu propriétaire par la vente ou la donation. »
[30] Également, un peu plus loin l'honorable juge écrit qu'il se base sur certaines autorités et il mentionne ceci à la page 9 :
« The Court prefers to be guided by a well established line of authorities which hold that the situs of shares of a company for the purposes of determining a dispute as to their ownership is in the territory of incorporation of the company, where a transfer of ownership may be recorded. »
[31] En conséquence, on peut donc constater par la définition d'une action mixte citée précédemment que la demanderesse recherche la reconnaissance d'un droit réel et l'exécution d'une obligation en fonction de la convention d'actionnaires.

Puisque la mise-en-cause a son siège social dans le district de Drummond et que le situs des actions d'une compagnie est à son siège social, le juge Dubois détermine que le district judiciaire de Drummond est approprié pour le litige entrepris.

Référence : [2010] ABD 82

Autre décision citée dans le présent billet:
1. Bern c. Bern, 1995 CanLII 4635 (C.A.).

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