lundi 27 septembre 2010

La confidentialité d’une entente de règlement n’est pas un obstacle à sa communication dans la mesure où elle est pertinente à un litige

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Dans le cadre de plusieurs litiges judiciaires s'affrontent des considérations de confidentialité et le droit quasi absolu des parties de mettre en preuve tout fait pertinent au litige. C'est dans cette optique que les ententes de règlement à l'amiable (ou tout autre contrat) qui contiennent des clauses de confidentialité posent parfois problème. Or, la Cour d'appel, dans son jugement récent de Weinberg c. Ersnt & Young LLP (2010 QCCA 1727) traite de la question et rappelle que les considérations de pertinences l'emportent presque toujours sur celles de confidentialité.


Les faits du litige sous-jacent ne sont pas très importants pour nos fins. Il suffit de retenir que le jugement de première instance ordonne aux appelants de donner communication aux avocats de l'intimée et de l'intervenant d'un document constatant une entente de règlement à l'amiable pour permettre un débat sur l'apparence de pertinence de cette entente dans le dossier qui nous intéresse. Les appelants rétorquent que  que le juge de première instance n'aurait pas dû autoriser ce débat vu la confidentialité de l'entente de règlement à l'amiable (de par ses propres termes).

L'Honorable juge André Forget, pour un banc unanime, pose clairement le principe que la confidentialité n'est pas un obstacle à la production d'un document pertinent au litige. Tout au plus, elle peut être l'assise d'une demande d'ordonnance de confidentialité ou de scellé:

[49] Bien qu'il soit reconnu que l'entente de règlement est confidentielle, cela n'empêche pas un juge d'en permettre l'accès à un tiers - et même le dépôt en preuve, le cas échéant - si cela s'avère nécessaire ou utile pour permettre à ce justiciable de faire valoir pleinement ses droits dans un litige. 
[50] Les appelants n'ont pas été en mesure de faire état d'un précédent dans lequel un juge aurait refusé la communication d'un document - ou le dépôt en preuve - au seul motif qu'il était confidentiel.

[51] À l'inverse, les exemples sont nombreux où les juges ont permis la communication ou le dépôt en preuve de documents confidentiels.

[52] Ainsi, dans l'arrêt Communauté Urbaine de Montréal c. Chubb du Canada Assurance la Cour a ordonné à l'appelante de donner communication de rapports confidentiels d'enquête des policiers à des assureurs engagés dans diverses réclamations pour dommages subis à la suite d'incidents qui avaient dégénéré en émeute. Le juge Brossard écrit :
[32] Dans l'ignorance où nous sommes de ce contenu, il m'apparaît justifié, en l'espèce, d'autoriser le dépôt en vertu du principe qu'il y a lieu de favoriser, à ce stade, la divulgation la plus complète de la preuve disponible.
[53] De même, toujours dans l'affaire Cinar, la Cour a ordonné à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de transmettre à Panju et Ernst & Young divers documents et de leur fournir les noms de témoins à la suite d'une enquête tenue par l'AMF qui s'est terminée par une entente confidentielle aux termes de laquelle Weinberg et Charest auraient accepté de payer une amende de 1 M$[7]. Le juge Hilton écrit :

[47] As far as whether or not the requested documents satisfy the criterion of making proof of their content, the Court must assume that such is the case in the absence of any showing by the AMF to the contrary, together with the fact that the AMF declined to make available to the motion's judge the documents that were sought by the motions of Mr. Panju and Ernst & Young. […]

[48] I also agree with the motion's judge that the document request is sufficiently precise not to constitute a fishing expedition. The AMF knows what the documents are to which reference is made in paragraph 4 of the Agreement, and the respondents could hardly be expected to describe them with greater precision when they lack the means to do so.
Ce faisant, le juge Forget insiste sur la distinction entre les pourparlers qui ont mené (ou pas) à une entente de règlement, lesquels ne peuvent être mis en preuve, et l'entente de règlement elle-même.

Il s'agit là d'une clarification importante qui aura sans doute pour effet d'épurer le droit en la matière.

Référence : [2010] ABD 110

Autres jugements cités dans ce billet:

1. Communauté Urbaine de Montréal c. Chubb du Canada Assurance, 1998 CanLII 13290 (C.A.).
2. Autorité des marchés financiers c. Panju, 2008 QCCA 832.

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