vendredi 24 septembre 2010

Il ne faut pas confondre obligation de résultat du transporteur et obligation de garantie

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Jusqu'où va l'obligation de résultat du transporteur en droit québécois? C'était la question centrale posée à la Cour d'appel dans Nexans Canada Inc. c. Papineau International, s.e.c. (2010 QCCA 1682) dans le cadre d'une action en dommages et intérêts.


Dans cette affaire, l’appelante fabrique des produits en cuivre et l’intimée est un transporteur routier. L’appelante a contracté avec l’intimée pour qu’un chargement de ses produits soit livré par camion à un acheteur américain qui devait en acquérir la propriété au moment de la réception. Le 21 octobre 2004, un chauffeur désigné par l’intimée a pris un chargement de marchandises à l’usine de l’appelante en vue de le livrer au Massachusetts. Environ un kilomètre plus loin, alors qu’il était en route vers sa destination mais arrêté à un feu de circulation, le camion a fait l’objet d’un détournement par des malfaiteurs armés qui ont séquestré le chauffeur. La marchandise de l’appelante n’a jamais été retrouvée. L’appelante a poursuivi l’intimée, alléguant qu’elle avait manqué à une obligation de résultat, ce à quoi l’intimée en défense a plaidé force majeure. En première instance, le juge donne raison à l'intimée (oui, je sais, ça va de soi...).

Dans son jugement unanime, la Cour d'appel confirme le jugement et rejette la prétention de l'appelante à l'effet que le vol, bien qu'irrésistible et attribuable à des tiers, n'était pas imprévisible en l’occurrence parce que l’intimée savait que des vols pouvaient survenir et, en acceptant de transporter la marchandise de l’appelante dans ces conditions, elle en assumait le risque. Selon la Cour, accepter cette prétention aurait pour effet de transformer l'obligation de résultat en obligation de garantie:
[7] Quant au caractère prévisible ou non du vol, la juge a conclu avec raison qu’il s’agissait d’une simple possibilité, mais non une probabilité. Cet élément d’information relève des questions de fait qu’elle a dû trancher et il est impossible de conclure, au vu du dossier tel qu’il est constitué, que la juge a commis une erreur manifeste en statuant de la sorte. Bien au contraire : cette détermination paraît amplement justifiée par la preuve au dossier.

[8] En réalité, c’est sur le plan du droit que les prétentions de l’appelante doivent échouer. Les faits tels qu’ils ont été établis en première instance étant ce qu’ils sont, suivre l’appelante dans son argumentation équivaudrait à transformer l’obligation de résultat de l’intimée en une obligation de garantie. Rien ne permet de croire que l’intimée avait assumé un telle obligation, et opérer la mutation du contenu obligationnel du contrat que souhaite l’appelante en transforme la nature économique et juridique. L’intimée n’est pas un transporteur de valeurs. Elle a exécuté son obligation de résultat consciencieusement jusqu’au moment où elle en a été empêchée par une force majeure
 
Référence : [2010] ABD 108

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