La requête en jugement déclaratoire demeure une procédure particulière au sein du Code de procédure civile puisqu'elle fait appel, en partie, à la discrétion du tribunal. En effet, il est bien établi que la Cour possède le pouvoir discrétionnaire de refuser d'entendre de telles procédures même lorsqu'elles sont techniquement recevables. La décision récente de la Cour supérieure dans Côté c. Autorité des marchés financiers (2010 QCCS 4061) est une belle illustration de ce principe.
La trame factuelle de l'affaire est assez complexe et un récit des faits n'est pas nécessaire pour nos fins, si ce n'est pour souligner que les demandeurs présentent une requête pour jugement déclaratoire où ils demandent de déclarer que des investisseurs sont propriétaires de certains titres obligataires et que la co-demanderesse est propriétaire de certaines liquidités. L'AMF demande le rejet de la procédure au motif qu'elle est prématurée et inopportune, puisque que des procédures administratives connexes sont déjà pendantes devant une instance administrative, i.e. le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières.
La trame factuelle de l'affaire est assez complexe et un récit des faits n'est pas nécessaire pour nos fins, si ce n'est pour souligner que les demandeurs présentent une requête pour jugement déclaratoire où ils demandent de déclarer que des investisseurs sont propriétaires de certains titres obligataires et que la co-demanderesse est propriétaire de certaines liquidités. L'AMF demande le rejet de la procédure au motif qu'elle est prématurée et inopportune, puisque que des procédures administratives connexes sont déjà pendantes devant une instance administrative, i.e. le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières.
Fait particulier, l'AMF reconnaît que la Cour supérieure a compétence pour entendre la requête en jugement déclaratoire telle que formulée et que les procédures sont donc techniquement recevables. Elle plaide par ailleurs qu'elles causent une duplication néfaste et la possibilité de jugements contradictoires. L'Honorable juge Daniel W. Payette note d'abord que la demande de jugement déclaratoire est un recours discrétionnaire et que la Cour, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire aux fins de statuer sur la recevabilité d'une telle demande, doit prendre en considération divers facteurs, dont son utilité, son opportunité, l'existence d'autres recours statutaires ainsi que l'intérêt public. Appliquant ces principes, il en vient à la conclusion que le recours est prématuré:
[29] En l'espèce, le Tribunal conclut qu'il n'est pas opportun ni dans l'intérêt public de permettre la poursuite du recours devant la Cour supérieure alors même qu'un recours portant sur les mêmes faits et soulevant des questions semblables procède déjà devant le Bureau.
[30] Ce dossier ne comporte pas de circonstances particulières qui justifieraient de court-circuiter le pouvoir du Bureau de rendre des ordonnances de blocage ou de contourner le processus prévu par le législateur en s'immisçant dans une démarche qu'il a confiée à un organisme spécialisé.
[31] Les impératifs de rationalité et de proportionnalité procédurale, de même que les problèmes d'accès à la justice rendent inopportuns le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire qui découlent nécessairement de la procédure intentée dans le présent dossier.
[32] De surcroît, le recours proposé risquerait de vider de son contenu matériel la juridiction du Bureau.
[...]
[44] Il y a donc lieu de laisser le Bureau exercer sa juridiction, quitte à réviser sa décision, une fois celle-ci rendue, si la question soulevée par les Investisseurs et FFDL demeure pertinente.
Référence: [2010] ABD 85
L'appel de cette décision a été accueilli dans Côté c. Autorité des marchés financiers (2011 QCCA 969), au motif que le recours institué devant la Cour supérieure ne créait pas un dédoublement dans l'exercice d'une compétence dévolue au Bureau de décision et de révision :
RépondreEffacer"[11] Par ailleurs, la question de la propriété des sommes ou des titres détenus par le cabinet d'avocats intimé ou pour son compte n'est pas, comme telle, en cause devant le Bureau : si jamais celui-ci se prononce sur la question, ce ne sera que de manière accessoire et il n'est pas certain qu'il ait à le faire, compte tenu du recours dont il est saisi (recours en blocage). Il n'est pas impossible que, dans l'avenir, l'AMF demande par ailleurs au Bureau d'ordonner que ces sommes ou titres soient restitués aux appelants dans le cadre d'une procédure régie par l'article 262.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, mais ce recours, qui relève encore une fois de la seule initiative de l'AMF, est pour le moment hypothétique, ainsi qu'il ressort des explications données à l'audience par l'avocate de l'AMF.
[12] L'examen des dispositions législatives pertinentes de la Loi sur les valeurs mobilières et de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers montre que rien n'empêche que cheminent en parallèle l'action déclaratoire des appelants et le recours dont est saisi le Bureau, procédures qui n'ont pas le même objet ni la même finalité et ne mettent pas en cause les mêmes parties. L'action des appelants n'est pas de nature à neutraliser le recours entrepris devant le Bureau ni à stériliser la compétence de celui-ci.
[13] Considérant enfin que l'ordonnance de blocage prononcée le 17 juillet 2009 ne vise pas les appelants, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une telle ordonnance, il n'est pas opportun de les empêcher de faire valoir devant la Cour supérieure les droits qu'ils estiment détenir sur les sommes et les titres dont traite leur requête introductive d'instance."