jeudi 12 août 2010

La Cour prononce l'annulation d'une police d'assurance prise par un prête-nom

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Dans le domaine des assurances, la question de l'intérêt assurable est souvent un sujet épineux. Or, la Cour supérieure a très récemment rendu un jugement annulant une police d'assurance au motif que la détentrice de la police agissait à titre de prête-nom et n'avait donc pas l'intérêt assurable requis dans Pruneau c. Compagnie d'assurances Missisquoi (2010 QCCS 3424).


Dans cette affaire, la demanderesse réclame de son assureur une indemnité à la suite d'un incendie qui a complètement détruit une résidence secondaire et son contenu le 22 janvier 2008. En défense, l'assureur plaide la nullité du contrat d'assurance pour avoir été émis en raison des fausses représentations de la demanderesse qui n'a pas révélé être le prête-nom de son père Martial ni dévoilé l'existence d'un emprunt hypothèque obtenu d'un particulier ayant un casier judiciaire.

Appelé à trancher le litige, l'Honorable juge Léo Daigle s'attaque d'abord à la question de l'intérêt assurable puisque sans celui-ci la police ne peut tenir. Il conclu de la preuve que la demanderesse n'est pas la véritable propriétaire de l'immeuble et qu'elle agissait plutôt à titre de prête-nom:
[19] Selon la prépondérance de la preuve, la DEMANDERESSE est le prête-nom de son père Martial Pruneau comme l'était auparavant Nathalie Pouliot qui lui en a cédé la propriété.

[20] Il suffit de relire attentivement les informations données à l'ASSUREUR après le sinistre pour constater qu'il considère que les deux immeubles comme sa propriété au moment où Nathalie Pouliot les cède pour 1 $ à sa fille la DEMANDERESSE.

[21] À l'époque âgée de 22 ans et occupant un emploi de serveuse, cette dernière n'a pas expliqué avec quelles ressources elle a remeublé la résidence secondaire après le départ de Nathalie Pouliot avec son contenu. À l'ASSUREUR, elle laisse entendre qu'elle a elle-même rénové l'immeuble alors qu'il ressort de son interrogatoire du 9 janvier 2009 que ce soit plutôt son père Martial Pruneau qui aurait réalisé et payé les travaux.

[22] Le témoignage de la DEMANDERESSE comporte trop de contradictions et d'imprécisions pour être vraisemblable. En réalité, lorsqu'elle a soumis à l'ASSUREUR sa proposition le 9 juin 2005, elle ne détenait aucun d'intérêt assurable dans cette résidence secondaire dont le véritable propriétaire était son père.

Ce faisant, et puisque la preuve révélait clairement que la défenderesse n'aurait pas assuré l'immeuble s'il avait connu la véritable identité du propriétaire, le juge Daigle en arrive à la conclusion qu'il y a matière à annulation de la police.

Au surplus, le juge Daigle indique que la défenderesse avait une deuxième raison pour réclamer l'annulation de la police, i.e. la non divulgation de l'emprunt hypothécaire. À cet égard, il rejette l'argument voulant que l'assureur aurait pu prendre connaissance de cette hypothèque en consultant les registres publics:
[24] Même si la DEMANDERESSE en avait été la véritable propriétaire, le fait qu'elle n'ait pas dévoilé le nom du créancier hypothécaire auprès duquel elle s'est engagée le 19 juillet 2004 aurait conduit le tribunal à la même conclusion.
[...]
[28] N'est pas retenu l'argument de la DEMANDERESSE à l'effet que l'ASSUREUR pouvait découvrir par ses propres moyens tant l'identité de ce prêteur que son casier judiciaire. L'ASSUREUR n'a aucune obligation de faire enquête à ce sujet, l'obligation du proposant étant de fournir toutes les informations pertinentes à l'évaluation du risque.

Cette décision souligne bien l'importance de faire une déclaration pleine, entière et informée à son assureur, au risque de se butter ensuite à un refus de paiement.

Référence : [2010] ABD 62

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