vendredi 6 août 2010

La Cour du Québec réitère l'importance de la dénonciation écrite en matière de vices cachés

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l.

Il y a quelques temps, nous avions résumé l'affaire Clarke c. Moriello, où la Cour du Québec avait fait preuve d'une certaine souplesse vis-à-vis une dénonciation tardive des vices cachés affectant un bien, étant de l'opinion que la partie défenderesse n'avait pas subi préjudice de cette dénonciation tardive. Or, aujourd'hui nous amène un cas contraire, où le non-respect de l'article 1739 C.c.Q. a été fatal au recours entrepris par la partie demanderesse.


Dans Aviva, compagnie d'assurances du Canada c. Nissan Canada (2010 QCCQ 6661), l'assureur exerçait un recours subrogatoire suite à l'indemnité qu'il avait payé à son assuré. Le véhicule de l'assuré avait été détruit par un incendie que la demanderesse alléguait avoir été causé par un court circuit des fils reliés au phare gauche.

L'assureur avait donné mandat à un expert en sinistre de faire enquête sur les circonstances de l'incendie. Après que l'ingénieur engagé par cet expert complète son rapport, l'expert en sinistre envoi une lettre à la défenderesse, l'informant qu'un incendie survenu le 14 août 2006 a endommagé le véhicule automobile assuré par la demanderesse et que celle-ci la tient responsable des dommages subis. Malheureusement, la lettre est envoyée à la mauvaise adresse, de sorte que la défenderesse ne la reçoit jamais. Étant sous l'impression que la défenderesse néglige tout simplement de donner suite à la lettre (puisque l'expert en sinistre et l'assureur ne sont pas au courant de la non réception de la lettre), la demanderesse s'est départie du véhicule automobile assuré et a disposé des débris.

Après coup, une deuxième mise en demeure est envoyé réclamant des dommages, cette fois à la bonne adresse pour la défenderesse. Étant informée qu'elle ne peut plus inspecter le véhicule, la défenderesse refuse de donner suite à cette réclamation, ce qui donne lieu au litige.

La question centrale est donc de savoir si l'absence de dénonciation préalable est fatale à la cause de la demanderesse. L'Honorable juge Armando Aznar, après une étude admirable des principes pertinents, en vient à la conclusion que oui. Selon lui, l'absence de dénonciation empêche la défenderesse d'avoir pu inspecter elle-même le véhicule (ne sachant pas qu'un incident est survenu), ce qui est une fin de non-recevoir de l'action contre elle:
[48] Considérant ce qui précède, le Tribunal est d'avis que la lettre de mise en demeure du 20 février 2007 (pièce P-7) transmise par la demanderesse à la défenderesse ne constitue pas l'avis de dénonciation du vice exigé par l'article 1739 C.c.Q.

[49] En effet, lorsque la lettre du 20 février 2007 a été reçue par la défenderesse, le véhicule automobile assuré par la demanderesse n'était plus disponible pour examen privant ainsi la défenderesse de son droit de procéder à l'examen du bien afin de déterminer si oui ou non il y avait vice.

[50] En conséquence, le plaidoyer de la défenderesse à l'effet qu'elle n'a pas reçu d'avis de dénonciation exigé par l'article 1739 C.c.Q. est bien fondé et doit être retenu. Le défaut par la demanderesse de s'être conformé à l'article 1739 C.c.Q. est fatal à son recours et en conséquence son action doit être rejetée.
 
Référence : [2010] ABD 55

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