mardi 20 juillet 2010

L'appel d'un jugement rejetant une demande reconventionnelle pour absence de connexité requiert la permission de la Cour

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Décision intéressante de la Cour d'appel rendue le 15 juillet dernier sur l'éternelle question de savoir si un jugement donné est susceptible à appel de plein droit ou requiert la permission de la Cour. Dans Vu c. Groupe Jean Coutu inc. (2010 QCCA 1354), la Cour doit trancher la question de savoir si un jugement rejetant une demande reconventionnelle pour absence de connexité est appelable de plein droit.


La trame factuelle est assez simple. Groupe Jean Coutu intente contre les défenderesses, anciennes franchisées, une action fondée sur un billet promissoire à demande. Outre leur défense, elles opposent à l'action une demande reconventionnelle fondée sur l'abus de droit qu'aurait commis Groupe Jean Coutu dans l'exécution du contrat de franchise et sur l'illégalité de la clause de partage des honoraires (en ce qui a trait aux médicaments) figurant dans le contrat. Groupe Jean Coutu demande le rejet de cette demande reconventionnelle au motif d'absence de connexité avec la demande principale et la Cour supérieure lui donne raison. Les défenderesses déposent une inscription en appel de ce jugement, à laquelle la demanderesse répond par une requête en rejet d'appel pour défaut d'obtenir la permission d'en appeler.

La Cour d'appel accueille la requête et, ce faisant, distingue la demande reconventionnelle rejetée pour absence de fondement juridique ou factuel et celle qui est rejetée pour absence de connexité:
[6] Malgré certains flottements, la jurisprudence majoritaire de la Cour décide que le jugement rejetant une demande reconventionnelle, non pas sur le fond, mais pour absence de connexité, et donc sauf recours, est un jugement interlocutoire visé par l'article 29 , premier alinéa, paragr. 2, C.p.c. et doit donc faire l'objet d'une requête pour permission d'appeler. 
[...] 
[9] La situation de l'espèce se distingue donc, à cet égard, des cas où la demande reconventionnelle est rejetée sur le fond, au stade de l'irrecevabilité par exemple, pour des raisons qui font en sorte qu'aucun autre recours futur n'est envisageable. C'est ce qu'on peut retenir du jugement de notre collègue le juge Rochette dans Novik c. Société de crédit commercial G.M.A.C. Canada, J.E. 2004-362 (C.A.), où la demande reconventionnelle avait été rejetée par le juge de première instance au motif que la défenderesse avait acquiescé à la cession de créances qu'elle prétendait contester, cession qui lui était en conséquence opposable. S'appuyant notamment sur l'arrêt Srougi c. Lufthansa German Airlines, [2003] R.J.Q. 53 (C.A.), le juge Rochette conclut que l'appel a été régulièrement interjeté par le dépôt d'une inscription, le jugement étant assimilable à un jugement final. Or, dans l'affaire Srougi, il s'agissait du rejet partiel de l'action du poursuivant (et non d'une demande reconventionnelle), rejet fondé sur la chose jugée, ce qui empêchait le demandeur de faire valoir sa réclamation même dans le cadre d'une autre instance. 
[10] Ce n'est pas le cas en l'espèce, où la demande reconventionnelle, à tort ou à raison, a été rejetée pour absence de connexité et « sauf recours » : il s'agit donc d'un rejet purement procédural et non d'un rejet sur le fond.
 
Référence : [2010] ABD 37

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