jeudi 15 juillet 2010

Demande de changement de nom: beaucoup plus qu'une simple formalité

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.
 
Contrairement à ce que pourraient mener à penser certaines productions holywoodiennes ou certains bestsellers, les demandes de changement de nom n'ont rien de simple ou de facile. La décision récente de la Cour supérieure dans l'affaire Lassken c. Directeur de l'état civil (2010 QCCS 3113) illustre bien cette réalité.


La demanderesse en l'instance est née en Ontario et elle porte, à sa naissance, le patronyme de son père, soit Presseau, son prénom étant Claudette Marie. Elle porta ce nom jusqu'au 25 janvier 1994, date à laquelle elle obtient des autorités de la Colombie-Britannique, où elle réside alors, la permission de changer son nom en celui qu'elle porte actuellement. Elle demande au directeur de l'état civil la permission de changer son nom encore une fois et invoque les facteurs suivants au support de sa demande:
a) Le changement de nom, en 1994, alors qu'elle n'était âgée que de 23 ans est le résultat d'un coup de tête, le prénom ainsi que le nom de famille alors choisis en raison de leur épellation sont inconnus au Canada; 
b) Vivant une union de fait avec Patrick Loulou, elle a eu deux filles de ce dernier, lesquelles portent le nom patronymique Loulou. En conséquence, désirant consolider l'unité familiale, elle veut porter le même patronyme que ses filles et par le fait même, celui de son conjoint de fait. De plus, elle s'identifie fortement à la famille Loulou élargie.
Pour sa part, le Directeur s'oppose à cette demande, invoquant l'absence de motifs sérieux, étant d'opinion que la simple préférence ne peut justifier un changement de nom.

L'Honorable juge Martin Castonguay rappelle d'abord les principes juridiques en place et note que les demandes de changements de nom exigent que la Cour soupèse des concepts en apparence contradictoires:
[12] De ces enseignements, le Tribunal retient les principes suivants, soit de faire preuve d'une certaine souplesse dans l'analyse des motifs invoqués par la requérante, tout en gardant à l'esprit l'importance de la stabilité de nom.

[13] Soulignons dès maintenant que chaque cas est un cas d'espèce et la souplesse démontrée par les tribunaux reposait en grande partie sur « des considérations identitaires, culturelles ou religieuses.
En l'instance, le juge Castonguay conclu qu'il n'existe pas de considérations identitaires, culturelles ou religieuses au support de la requête de la demanderesse. Après analyse, il note que la demande se base plutôt fondamentalement sur le désir de Mme Lassken de porter le même nom que son mari. Or, ce n'est là qu'une préférence qui, aussi légitime soit-elle, n'est pas suffisante pour mettre de côté le principe de stabilité des noms:
[20] Le fait de s'identifier à sa belle-famille constitue-t-il un motif grave, valable et important au point de mettre de côté le principe de la stabilité du nom ? Le Tribunal est d'avis que non.

[21] De plus, Lassken n'a pas démontré que le nom est trop difficile à prononcer ou écrire ou encore, qu'il prête au ridicule ou est frappé d'infamie.

[22] Un changement de nom comporte non seulement des coûts pour la société, mais également pour toutes les personnes traitant avec l'individu désirant changer son nom. Semblable demande de changement de nom ne doit pas être traité à la légère.

[23] Lassken n'a pas démontré au Tribunal que le Directeur avait mal exercé sa discrétion.
Référence : [2010] ABD 31

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