lundi 21 juin 2010

La Cour d'appel tranche: les dommages potentiels découlant du harcèlement psychologique sont couverts par la LATMP

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

La Cour d'appel a rendu mercredi dernier une décision très intéressante en matière de harcèlement psychologique dans Normandin c. Banque Laurentienne du Canada (2010 QCCA 1167).


Dans cette affaire, la demanderesse voulait exercer un recours contre son employeur à la suite du harcèlement psychologique et du congédiement déguisé dont elle disait avoir été la victime. Le juge de première instance avait rejeté son recours après avoir conclu que tous les dommages moraux et exemplaires réclamés découlaient d'une « lésion professionnelle » au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « LATMP ») et, partant, que l'intimée bénéficiait de l'immunité civile prévue à l'article 438 de cette même loi.

Confirmant le jugement de première instance, le banc unanime de la Cour d'appel note que le champs de la LATMP est très large et que l'allégation de faute intentionnelle n'est pas pertinente aux fins de l'analyse:
[24] Le recours dont le fondement est une « lésion professionnelle » au sens de la LATMP relève de la compétence exclusive de la CSST et l'employeur (de même que le coemployé qui aurait commis une faute dans l'exercice de ses fonctions) bénéficie d'une immunité civile très étendue.

[25] L'appelante ne remet pas en question ces principes; elle plaide plutôt que sa maladie ne découlait pas d'un « accident du travail » au sens de la LATMP puisque les gestes reprochés à l'intimée avaient été posés de façon délibérée et intentionnelle,
dans le but exprès de l'amener à quitter son emploi. L'argument ne tient pas. Le régime d'indemnisation établi par la LATMP est fondé sur les principes d'assurance et de responsabilité collective sans égard à la faute. La notion d'« accident du travail » inclut donc nécessairement les gestes intentionnels posés par l'employeur ou par un coemployé dans l'exercice de ses fonctions.

[26] L'appelante nous demande de corriger ce qu'elle considère être une lacune de la LATMP. Selon elle, le régime d'indemnisation ne devrait pas payer à la place d'un employeur lorsque celui-ci, de façon délibérée et intentionnelle, crée autour d'un(e) employé(e) un climat de harcèlement psychologique en vue d'obtenir sa démission. Il est loin d'être clair que la LATMP – qui, faut-il le rappeler, est le résultat d'un compromis social – comporte la lacune que l'appelante y voit, mais, à tout évènement, si lacune il y a, il ne nous appartient pas d'y remédier.

Un jugement certes intéressant qui pourrait avoir un impact sur plusieurs dossiers présentement pendants devant les tribunaux québécois. Notons par ailleurs que la commission des normes du travail conserve le pouvoir d'ordonner la réintégration d'un employé en cas de harcèlement psychologique (art. 123.15 de la Loi sur les normes du travail).

Référence : [2010] ABD 16

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