vendredi 10 novembre 2023

Règle générale, une audition ne devrait pas être suspendue lorsqu'une partie annonce son intention d'en appeler d'un jugement rendu en cours d'instance

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Certains jugements qui sont rendus au cours d'un procès doivent être portés en appel immédiatement. C'est le cas par exemple des jugements accueillant une objection à la preuve ou rejetant une objection fondée sur le secret professionnel. Que devrait faire la Cour lorsqu'une partie annonce son intention de porter un tel jugement en appel immédiatement? Dans Succession de Mazzone (2023 QCCA 1407), l'Honorable juge Frédéric Bachand indique qu'il est généralement préférable de continuer et terminer l'audition en première instance nonobstant cet appel.


Deux semaines avant le début du procès, l'Appelant exprime l'intention de modifier ses moyens de défense. Saisie de la question au premier matin du procès, l'Honorable juge Catherine Piché refuse la permission d'amender au motif que les amendements introduisent des questions nouvelles à un stade tardif du dossier.

L'Appelant annonce immédiatement son intention de porter le jugement en appel. La juge de première instance indique initialement que le procès se poursuivra, avant de se raviser plus tard dans la journée et remettre l'audition sine die.

Saisi de la demande pour permission d'en appeler, le juge Bachand souligne que, règle générale, le procès devrait se poursuivre en pareilles circonstances:
[5] Compte tenu des éléments au dossier et des observations des parties, j’estime qu’il y a lieu d’accorder la permission d’appeler. L’argument du requérant selon lequel son exposé modifié a essentiellement pour objectif de clarifier et de préciser certains aspects juridiques de ses moyens de défense ne me semble pas dénué de tout mérite, tout comme son argument selon lequel le jugement de première instance a pour effet de l’empêcher de faire valoir des arguments de droit importants. Se pose également la question de savoir si le refus d’autoriser le requérant à modifier son exposé sommaire sert adéquatement les intérêts de la justice — question qui m’apparaît d’autant plus sérieuse que l’instruction au fond n’aura vraisemblablement pas lieu avant plusieurs mois en raison de la décision de la juge de reporter l’instruction au fond sine die.

[6] Sur ce dernier point, j’ouvre une parenthèse pour rappeler que, lorsqu’une partie annonce son intention de se pourvoir immédiatement à l’encontre d’un jugement rendu en cours d’instruction, il est généralement préférable de ne pas reporter l’affaire. Comme le rappelait la juge en chef Savard — alors juge puinée — en 2014, « [l]a pratique [veut] qu’en pareilles circonstances, le procès se poursuive, quitte à suspendre pour un délai raisonnable afin de permettre à la partie qui le désire de s’adresser à la Cour [d’appel] ». Je m’en tiens à cette observation générale, car, en son état actuel, le dossier ne me permet pas de déterminer si la juge avait des raisons valables de reporter l’affaire sine die.
Référence : [2023] ABD 450

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