samedi 4 avril 2020

Par Expert: n'a pas l'impartialité nécessaire l'expert qui indique que sa mission est de faire valoir les droits de la partie qui a retenu ses services

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Il est bien compris généralement que l'expert doit faire preuve d'impartialité et que sa mission est celle d'éclairer et assister le tribunal, pas de plaider la cause de son client. Il n'est donc pas surprenant que la Cour voit d'un mauvais œil l'expert qui déclare qu'il désire faire valoir les droits de la partie qui l'a engagé. L'affaire Plante c. Municipalité du Canton d'Orford (2020 QCCS 1075) offre une belle illustration de ce principe.


Dans cette affaire, l'Honorable juge Line Samoisette est saisie de la contestation d'un rapport de bornage. Les parties au litige produisent toutes deux une expertise sur la question centrale au litige.

La juge Samoisette doit donc analyser la preuve d'expert afin d'en venir à une décision dans cette affaire. Elle note que l'expert du Demandeur - malheureusement - ne fait pas preuve du degré d'impartialité et d'indépendance requis. En effet, il est manifeste de l'analyse de la preuve que ledit expert s'est donné pour mission de défendre la thèse du Demandeur et pas d'éclairer objectivement la Cour:
[63] L’expert a pour mission d’éclairer le tribunal et il doit agir avec objectivité, impartialité et rigueur. L’expertise a pour but d’éclairer le tribunal et de l’aider dans l’appréciation d’une preuve.

[64] En l’espèce, l’arpenteur-géomètre Grondin n’a pas bien saisi son rôle à titre d’expert puisque, contre-interrogé, il répond spontanément qu’il doit « faire valoir les droits de M. Plante relativement à l’occupation qu’il exerce et qu’il a exercé depuis 1967. » 
[65] Aussi, il a été difficile de connaître la date exacte où il a accepté son mandat. Il dit avoir pris connaissance des témoignages en janvier 2019 après avoir accepté le mandat.  
[66] L’arpenteur-géomètre Grondin connaît Plante depuis 1980 pour avoir travaillé avec lui dans des projets domiciliaires. Il affirme que cela n’a pas affecté son travail dans la préparation de sa contre-expertise… Toutefois, la preuve a révélé que son travail est incomplet pour les motifs qui suivent.  
[67] Il a retenu essentiellement les témoignages, propos ou déclarations de Plante, Picotte et d’un certain M. Urbain Archambault. Il n’a jamais été question de M. Archambault lors de l’enquête de l’arpenteur-géomètre Harel. À l’audience, Plante a voulu produire une déclaration écrite de M. Archambault laquelle n’a pas été admise en raison de son peu de fiabilité.  
[68] L’arpenteur-géomètre Grondin n’a jamais parlé à M. Archambault et il reconnaît que le témoignage de Picotte lors de l’enquête est très ambigu. En effet, Picotte réfère à la ligne séparative entre le terrain de Plante et de son voisin à l’est et non la ligne au sud. 
[69] En somme, l’arpenteur-géomètre Grondin s’est collé aux faits relatés par Plante et n’a pas tenté de les corroborer. Par exemple, il a retenu qu’il n’y avait pas de chemin devant le terrain de Plante alors que l’acte de vente M-11 réfère à un chemin privé.  
[70] Il n’a pas non plus communiqué avec un représentant de la Municipalité, ce qui surprend. 
[71] Il limite son analyse aux titres portant sur le lot de Plante et fait abstraction de certains éléments de l’article 977 C.c.Q. Il analyse le titre de Plante sans examiner d’autres titres de l’auteur commun, tous antérieurs au titre de Plante, pour déterminer l’intention de l’auteur commun. 
[72] L’arpenteur-géomètre Grondin explique qu’il y a une erreur parce que Parrot a fait son plan de cadastre en octobre 1968 en ne considérant pas le rivage naturel, mais plutôt la ligne du rivage remblayé et qu’il y a vraiment eu une occupation (haie de cèdres). 
[73] Il écarte les éléments d’imprécision sur la foi de ce qui lui a été enseigné. Il reconnaît toutefois qu’il y a d’autres courants.  
[74] Dans son analyse, l’arpenteur-géomètre Grondin considère toujours 125 pieds sans tenir compte de la mention « approximative ». Il minimise les mesures approximatives en déclarant que c’était écrit ainsi pour « se protéger ». Il fait abstraction des indications à l’effet que la mesure de 125 pieds était approximative « plus ou moins » et « sans garantie de mesure précise », de même que l’engagement de Plante de prendre ses bornes lui-même. 
[75] Alors que l’arpenteur-géomètre Grondin affirme que la mesure de 125 pieds correspond au rivage avant le remblayage en 1967, il reconnaît que la position d’une rive peut être interprétée différemment d’un arpenteur-géomètre à l’autre. Ajoutons que dans le cas sous étude, il s’agit d’un rivage sinueux. 
[76] Enfin, la limite que suggère l’arpenteur-géomètre Grondin, si elle se fonde sur la haie de cèdres serait décalée vers le sud par rapport au point K et la ligne revendiquée par Plante.
Référence : [2020] ABD Expert 14

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