mardi 31 mars 2020

L'hypothèque, le rang associé à celle-ci et le droit de céder ce rang sont tous des accessoires de la créance

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La notion de ce qui est accessoire à une créance est d'une grande importance puisque cela détermine ce qui se transfère automatiquement lorsqu'il y a cession de créance (et ce qui s'éteint automatiquement lorsque la créance est éteinte). Dans l'affaire Syndic de Distribution Pri inc. (2020 QCCA 487), la Cour d'appel nous enseigne que non seulement est-ce qu'une hypothèque est un accessoire de la créance, mais le rang de celle-ci et le droit de le céder sont également des accessoires.


Dans cette affaire, la Cour est saisie d'un pourvoi à l'encontre d'un jugement de première instance qui a rejeté un appel à l'encontre d'une décision du syndic de faillite. La question centrale est celle du rang hypothécaire de certains créanciers suite à une subrogation conventionnelle. 

En effet, le créancier subrogeant était titulaire d'un rang particulier en raison d'une convention entre prêteurs. Se posait la question en première instance de savoir si la subrogation a transféré au créancier subrogé ce rang. 

Le juge de première instance a répondu par la négative à cette question, jugeant que la convention entre prêteurs n'était pas un accessoire de la créance ou de l'hypothèque.

Dans une décision unanime rendue sous la plume de l'Honorable juge Schrager, la Cour d'appel casse le jugement de première instance. Le juge Schrager en vient en effet à la conclusion que l'hypothèque, le rang hypothécaire et le droit de céder ce rang sont tous des accessoires de la créance, de sorte que le créancier subrogé bénéficie des droits découlant de la convention entre prêteurs:
[31] Le juge de première instance conclut que la Convention entre prêteurs n’est pas un accessoire de la créance, mais plutôt de l’hypothèque, car seul le rang des sûretés s’en trouve modifié et qu’il s’agit d’un attribut attaché à 9000-2130, et non à la créance en elle-même. 
[32] Le juge fonde sa conclusion sur le fait que la Convention, qu’il qualifie d’« entente privée entre deux prêteurs », est l’accessoire de l’hypothèque puisqu’elle en modifie le rang, et qu’en tant que telle, elle est un attribut rattaché à la personne du prêteur, et non à la créance. Il s’appuie sur une décision de la Cour supérieure ayant une trame factuelle complètement étrangère à la nôtre et ayant trait à la subrogation aux droits d’une personne bénéficiaire d’une exemption en vertu de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières. La personne, subrogée aux droits de l’acquéreur de l’immeuble, doit elle-même satisfaire les conditions de l’exemption statutaire, selon ce jugement. 
[33] La Convention entre prêteurs s’apparente à un contrat de subordination, soit une entente par laquelle un créancier accepte de ne pas être remboursé, en certaines circonstances, avant le paiement d’un autre créancier. L’intimée s’engageait, dans son offre de renouvellement de crédit à Groupe P.R. à subordonner le rang prioritaire de ses propres hypothèques sur certains biens en faveur de tout prêteur privé remplissant les conditions énoncées dans la clause 6.2.3, jusqu’à un montant de 850 000 $. La Convention qui donne effet à cet engagement affecte donc la manière de remboursement inter se des créances de la BNC et les appelantes. Vue de cette manière, la Convention est un accessoire des deux créances. 
[34] D’ailleurs, les accessoires d’une créance hypothécaire comprennent non seulement l’hypothèque, mais également les droits associés à l’hypothèque, tel le rang de celle-ci. L’hypothèque étant un accessoire de la créance, la convention qui modifie le rang de l’hypothèque est au moins un accessoire de l’hypothèque. Si la Convention est l’accessoire de l’hypothèque et que celle-ci est l’accessoire de la créance, la logique booléenne indique que la Convention est donc elle aussi l’accessoire de la créance. 
[35] Il a d’ailleurs été reconnu que la personne ayant été subrogée dans les droits d’un créancier à qui une priorité avait été consentie par une entente a droit d’être colloquée au même rang que le subrogeant. Il n’y a donc pas de distinction, du moins, en l’espèce, entre le droit que donne au créancier le rang de l’hypothèque, qu’il soit déterminé par la date de publication de celle-ci ou par un consentement à priorité. 
[36] Difficile de mieux dire que le juge Rivard de la Cour du Banc du Roi, il y a 100 ans :
La subrogation légale et, à moins de restriction expresse, la conventionnelle font passer la créance avec tous ses accessoires, gages, garanties et actions qui s’y rapportent. 
Aussi l’appelant consent-il que l’hypothèque suive la créance. Pourquoi donc la garantie qui résulte du rang de l’hypothèque échapperait-elle à la subrogation? 
L’argument de l’appelant sur ce point, fort habilement présenté, est spécieux; mais il pèche dans le fonds : le droit que donne au créancier le rang de l’hypothèque est le même, qu’il soit déterminé par l’enregistrement de l’hypothèque même ou par l’enregistrement d’un consentement à priorité; il fait partie du privilège attaché à la créance, et qui l’accompagne.
Référence : [2020] ABD 130

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.