jeudi 19 mars 2020

Est suffisamment précise la demande de communication de tous les enregistrements faits de conversations avec une personne particulière et un sujet particulier

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Tous les avocats en pratique civile ont déjà été confrontés à des demandes d'engagements fleuves du genre "tous les courriels échangés entre les parties". Il est souvent difficile de tracer la ligne entre les demandes pertinentes et l'expédition de pêche. C'est pourquoi j'attire ce matin votre attention sur la décision de l'Honorable juge Lukasz Granosik dans l'affaire Gazil c. Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec inc. (2020 QCCS 839). Dans celle-ci, le juge Granosik indique qu'est suffisamment précise la demande de communication d'enregistrements faits de conversations avec une personne particulière et un sujet particulier, dans la mesure où elle est limitée dans le temps.



Dans cette affaire, les Défendeurs demandent la communication de l'ensemble des enregistrements effectués par le Demandeur des rencontres ou assemblées syndicales, ainsi que de toute rencontre avec des représentants d’Hydro-Québec en rapport avec les faits de l’action introduite par le Demandeur.

Le Demandeur conteste cette demande, la jugeant non-pertinente et beaucoup trop large.

Le juge Granosik ne partage pas l'opinion du Demandeur sur la question. Après avoir souligné à juste titre l'interprétation large de la notion de pertinence qui doit prévaloir à ce stade du litige, il indique que la demande est suffisamment circonscrite :

[7] Le demandeur s’oppose en invoquant que la demande n’est pas suffisamment circonscrite, dans la mesure où on ne spécifie ni la date ni la personne ni le sujet de la rencontre visée, qu’elle constitue donc dans les faits une expédition de pêche, que tous ces enregistrements (au cas où il y en aurait) ne sont pas pertinents au dossier et enfin, qu’ils ne peuvent non plus servir à un éventuel débat sur l’article 2858 C.c.Q. 
[8] À la suite de cette argumentation, les défendeurs acceptent de préciser la période de temps visée, soit les enregistrements faits entre le 26 octobre 2017 et la fin de 2018, mais maintiennent leur demande quant au reste.

[…] 
[12] Il n’est donc pas nécessaire de faire appel aux principes directeurs de la procédure puisque les articles 228 et 251 C.p.c. répondent précisément à la question que les parties soumettent au Tribunal. Cela dit, le Code de procédure civile ne permet pas pour autant de fouiller sans réserve dans les documents ou les éléments matériels détenus par la partie adverse. Cependant, tel n’est pas le cas ici; la demande vise une période de temps précise, apparaît prima facie en lien avec le débat qui se profile au fond et est limitée dans sa portée, puisqu’il s’agit seulement des enregistrements du demandeur «en lien avec les faits de la poursuite». Ces constats suffisent pour conclure qu’il ne s’agit pas ici d’une expédition de pêche.
Référence : [2020] ABD 113

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