mercredi 2 janvier 2019

La défense abusive est celle qui prolonge les débats inutilement

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà traité des circonstances dans lesquelles les tribunaux concluront à l'existence d'une défense abusive. Essentiellement, lorsque la Cour constatera qu'une partie défenderesse plaide l'indéfendable ou prolonge inutilement les débats, elle pourra conclure à l'abus. La décision récente de l'Honorable juge Gary D.D. Morrison dans Propriétés Belcourt inc. c. Syndicat de la coprpriété de l'Île Bellevue phase I (2018 QCCS 5387) illustre bien le principe.


Dans cette affaire, la Demanderesse recherche l'émission d'une injonction permanente contre les Défendeurs enjoignant à ces derniers de cesser de se stationner sur sa propriété. La Demanderesse plaide également que les contestations des Défendeurs sont abusives et elle recherche une condamnation en dommages en conséquence.

Les Défendeurs, en plus de contester la demande, présentent une demande reconventionnelle pour qu'ils soient déclarés propriétaires du terrain de stationnement en question. Le juge Morrison note de plus qu’au début de l’audition, les Défendeurs ont renoncé à leur demande subsidiaire pour qu’il existe une servitude par destination du propriétaire sur le terrain de stationnement en litige. Cet argument avait été plaidé sans succès au stade de l’injonction interlocutoire. Par contre, lors des plaidoiries, les Défendeurs ont amendé de nouveau leur procédure pour demander une autre forme de servitude sur le même terrain.


L'analyse de la preuve faite par le juge Morrison l'amène à conclure que les droits invoqués par la Demanderesse sont évidents et que les arguments en défense sont d'une fragilité manifeste. 

Il se penche ensuite sur la réclamation en dommages pour cause d'abus. À ce chapitre, le juge Morrison souligne que les Défendeurs ont simplement prolongé les débats engagés inutilement puisqu'ils savaient ou auraient du savoir que leurs arguments ne tenaient pas la route. Il conclut donc à l'abus:
[124] En outre, le dossier de cour fait état de l’évolution constante de la défense des Syndicats qui démontre l’incertitude et la témérité avec lesquelles cette affaire a été abordée, présentée et plaidée, et qui met en lumière une obstination certaine à contester le droit clair de Belcourt, sans se soucier du fondement réel de ces arguments, en faits et en droit. En effet, les Syndicats annonçaient d’abord une défense basée sur la prescription acquisitive, abandonnée à l’interlocutoire pour se concentrer sur l’existence d’une servitude par destination, irréaliste dans les circonstances de cette affaire. La servitude, mise de côté en début de procès, redeviendra une question soumise au moment de la plaidoirie, sous la forme d’une servitude abstraite, difficile à qualifier et dépourvue de toute assise juridique. À cela s’ajoute enfin un argument fondé sur une prétendue obligation de délivrance d’un stationnement de visiteurs, que l’analyse qui précède rejette et surtout, révèle laborieux. 
[125] Le Tribunal estime qu’une personne raisonnable et informée pourrait facilement conclure que la défense et la demande reconventionnelle des Syndicats I et II ont été déposées et, par la suite, plaidées avec témérité dans le but de nuire à Belcourt. Le fait de forcer Belcourt à poursuivre inutilement le débat juridique devant un tribunal constitue un comportement répréhensible de la part des Syndicats I et II. 
[126] En effet, la stratégie de prolonger les débats juridiques, basée sur l’idée que l’on n’a rien à perdre, ce qui semble le cas ici, est devenue hautement risquée. Cela pourrait constituer l’origine d’un abus de procédure. 
[127] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que la réclamation de Belcourt pour les honoraires extrajudiciaires de ses procureurs, au montant total de 122 835,60 $, est bien fondée. Il s’agit d’une mesure prévue à l’article 54 C.P.C. en cas d’abus de procédure.
Référence : [2019] ABD 3

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