vendredi 9 février 2018

Les dossiers médicaux d'un défunt sont pertinents pour déterminer si de la captation a eu lieu

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

La captation n'est pas facile à prouver et elle doit plus souvent qu'autrement se baser sur des éléments de preuve circonstanciels. Un des éléments de preuve important en la matière sont les dossiers médicaux du défunt. C'est pourquoi l'Honorable juge J. Roger Banford indique dans l'affaire Brochet c. Collin (2018 QCCS 444) que la communication des dossiers médicaux doit être ordonnée.


Le juge Banford est saisi d'une demande d'ordonnance de sauvegarde formulée dans le cadre d'un recours en annulation de testament pour cause d’incapacité et de captation. La Demanderesse recherche l’émission de diverses ordonnances de sauvegarde, soit : a) la suspension de la liquidation de la succession, b) une reddition de compte de la liquidation et c) la production du dossier médical du défunt par les mis en cause.

La Défenderesse conteste ces demandes.

Au chapitre de la demande de communication des dossiers médicaux, le juge Banford souligne que nonobstant le caractère hautement confidentiel de ceux-ci, leur communication est pertinente dans le cadre d'un litige où on allègue captation:
[33] En effet, le dossier d’un usager d’un établissement de santé est confidentiel et nul ne peut y avoir accès sans son consentement ou celui d’un représentant autorisé ou à défaut, sur l’ordre d’un tribunal ou d’un coroner. 
[34] Par conséquent, ce document devra être retiré du dossier et traité selon la décision qui suit. 
[35] En somme, l’ordonnance recherchée en l’occurrence constitue une demande de communication d’un document au sens de l’article 251, 2ième paragraphe du nouveau Code de procédure civile :
… 
Le tiers qui détient un document se rapportant au litige ou est en possession d’un élément matériel de preuve est tenu, si le tribunal l’ordonne, d’en donner communication, de le présenter aux parties, de le soumettre à une expertise ou de le préserver.
[36] En matière de dossiers médicaux protégés par le secret professionnel, c’est le principe de la pertinence de la preuve qui fixe les limites de l’atteinte du secret des documents médicaux dans un contexte judiciaire. 
[37] En telle matière, la jurisprudence reconnait qu’il peut être opportun de permettre l’accès aux dossiers médicaux d’une personne dans le cas où l’état de santé de cette dernière se trouve au cœur du litige et qu’il n’existe pas d’autres moyens pour une partie de prouver ses prétentions. 
[38] C’est le cas en l’instance. Les dossiers demeurent le seul moyen à la disposition de la demanderesse pour établir l’état de santé de son frère défunt et sa prétention à l’absence de capacité de tester de feu Carl Brochet. 
[39] Cependant, l’atteinte aux droits fondamentaux d’une personne, même judiciairement autorisée, doit s’exercer d’une manière à protéger les droits de la personne en cause :
«[44] L'arrêt Frenette prononcé en 1992 par la Cour suprême discute du pouvoir discrétionnaire à être exercé par un Tribunal dans l'examen comparatif des divers intérêts qui s'opposent, soit la confidentialité du dossier et le respect de la vie privée ou la divulgation des renseignements sollicités, dans la mesure où ils seraient pertinents et importants. On y lit :
[14] … 
Saisi d'une telle requête dans ces circonstances, un tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire de donner accès aux dossiers médicaux, en fonction du degré de pertinence et de l'importance des renseignements sollicités par rapport à la question en litige. Dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le tribunal doit soupeser les divers intérêts qui s'opposent - les intérêts de la justice au regard du droit qu'une personne au respect de sa vie privée et à la confidentialité.»
[40] En l’instance, il n’apparait guère pertinent de dévoiler le dossier médical remontant à 2010, puisque le débat concerne la capacité de tester de la personne en date de la signature du testament litigieux, le 12 novembre 2015. 
[41] Ainsi, le Tribunal estime qu’une période d’un an avant et après cette date devrait permettre à un expert de formuler une opinion éclairée sur la capacité de tester du défunt. Au besoin, sur demande de l’expert, le Tribunal pourra réviser cette question.
Référence : [2018] ABD 60

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