vendredi 26 janvier 2018

La partie qui endure une situation problématique pendant des mois ne respecte pas le critère de l'urgence et ne peut donc obtenir une injonction provisoire

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Si vous lisez régulièrement le blogue, vous savez que je fais une mini obsession sur le critère de l'urgence pour les injonctions provisoires et les ordonnances de sauvegarde. Dans l'affaire Roy c. Pilote (2018 QCCS 258), l'Honorable juge J. Roger Banford souligne que la partie qui endure une situation problématique pendant des mois ne respecte pas le critère de l'urgence et ne peut donc obtenir une injonction provisoire.



Les Demandeurs, propriétaires immobiliers enclavés, présentent une demande d'injonction provisoire pour forcer le Défendeur à ouvrir deux barrières qui leur donnera un passage plus simple et direct. 

Le hic, c'est que les Demandeurs tolèrent la situation depuis plusieurs mois, ce qui amène le juge Banford à conclure que le critère de l'urgence n'est pas satisfait:
[14] Dans leur ouvrage sur l’injonction, les auteurs Gendreau, Thibault, Ferland, Cliche et Gravel écrivent:
De plus, l’injonction interlocutoire provisoire n’est accordée qu’en cas d’urgence (art. 753 C.p.c.) immédiate et apparente, et portant une attention particulière au préjudice sérieux ou irréparable et à la balance des inconvénients, après avoir pris en considération l’apparence de droit. 
La Cour supérieure rappelle le caractère urgent et exceptionnel de l’injonction interlocutoire provisoire, dans les termes suivants : 
Les règles qui s’appliquent à l’injonction provisoire doivent s’interpréter avec beaucoup plus de rigueur et on ne devra l’accorder que dans des cas extrêmement urgents où même le délai pour obtenir une injonction interlocutoire serait susceptible de préjudicier irrémédiablement aux droits des requérantes; s’agissant d’une mesure extrêmement exceptionnelle et urgente, le juge devra être satisfait que les droits des requérantes seront irrémédiablement perdus ou affectés sérieusement et que le préjudice subi ne sera pas compensable en argent, si on laisse écouler le délai nécessaire pour la présentation et l’audition de la demande d’injonction interlocutoire; c’est une mesure essentiellement temporaire et exceptionnelle pour éviter un mal évident, imminent et irréparable; s’il y a le moindre doute, la demande doit être rejetée. 
[Nos soulignements]
[15] Dans un autre ouvrage traitant de l’injonction, l’auteure Céline Gervais écrit, quant à elle :
Par ailleurs, l’urgence peut résulter non seulement de faits connus qui laissent croire à l’imminence d’un geste, mais également du fait qu’un geste appréhendé puisse être posé de façon imprévisible et qu’une fois posé, on ne puisse y remédier.
[16] Qu’en est-il du caractère d’urgence, en l’instance? 
[17] Dans le cas des barrières, il s’agit d’une entrave qui subsiste depuis juillet 2017. Bien qu’incommodante, cette situation s’avère amoindrie suite à une ordonnance émise par la Cour du Québec en vertu de laquelle le défendeur s’est engagé à maintenir ouverte l’une des barrières (D-2). 
[18] Cependant, le fait que les demandeurs ont pu s’accommoder de la présence des barrières depuis juillet dernier, démontre que modifier cette situation, même si elle est astreignante, ne répond pas au critère d’urgence requis par la Loi.
Référence : [2018] ABD 39

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