mardi 9 janvier 2018

La nonchalance d'une partie dans le respect des délais convenus dans le protocole de l'instance peut constituer un abus de procédure

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Le souhait du législateur (et, il semble, de la magistrature) avec l'avènement du nouveau Code de procédure civile est d'encourager plus de discipline au sein de la profession des avocats quant au respect des échéances prévues au protocole de l'instance. En effet, le législateur a donné les outils nécessaires à la magistrature pour sanctionner ce qu'elle considère être des abus de procédures. Si l'on se fie à la décision rendue dans l'affaire Équiporc inc. c. RCA Électrique inc. (2018 QCCS 8), la nonchalance d'une partie quant au respect des délais prévus au protocole de l'instance pourra être assimilé à l'abus et sanctionné par l'attribution de dommages.



Dans cette affaire, l'Honorable juge Martin Bureau est saisi d'un litige contractuel entre les parties relativement à l'installation d'un système électrique par la Défenderesse. La Demanderesse plaide que celui-ci n'est pas conforme à l'entente intervenue.

En plus des dommages contractuels réclamés par la Demanderesse, celle-ci recherche une condamnation en dommages pour abus de procédure contre la Défenderesse. Elle allègue en effet que cette dernière a systématique manqué les délais convenus dans le protocole de l'instance et lui a donc fait encourir des honoraires extrajudiciaires additionnels et superflus.

Après analyse, le juge Bureau en vient effectivement à la conclusion que la Défenderesse a fait preuve de nonchalance quant aux délais prévus au protocole de l'instance et que cette nonchalance - dans le contexte - constitue un abus de procédure:
[62] Elle reproche à la défenderesse et par voie de conséquence à ses procureurs leur absence de coopération et leur nonchalance dans le déroulement des procédures. De façon plus spécifique, elle soulève le non-respect des délais convenus dans le protocole d’instance, une production tardive et hors délai de la demande reconventionnelle, un retard important, malgré les engagements formels, à procéder à la radiation d’une inscription de l’hypothèque légale et d’un préavis d’exercice. 
[63] La demanderesse affirme qu’elle a ainsi dû faire des procédures, en cours d’instance, pour accélérer les débats et obtenir le respect des engagements.  
[64] En raison de ce qu’elle considère être un comportement vexatoire de la défenderesse et des manquements importants au déroulement de l’instance, la demanderesse considère avoir subi un préjudice par l’obligation de payer des frais et débours qui auraient aisément pu être évités.  
[65] La réclamation de la défenderesse à titre de frais de justice et de dommages-intérêts compensatoires et punitifs est de 10 000 $. La preuve présentée quant aux frais résultant de ce que la demanderesse considère être des manquements importants au déroulement de l’instance, fait état de différentes factures pour frais d’avocats pour un montant de 3 726,63 $. 
[66] La défenderesse conteste cette réclamation en indiquant qu’elle était de bonne foi dans tout le déroulement des procédures et que si certains délais ont été occasionnés, ils résultent beaucoup plus de circonstances non fautives que de manquements réels.  
[67] La défenderesse ajoute que la demanderesse elle-même a fait preuve d’une absence de souplesse à plusieurs égards et que ses procureurs ont dû eux-mêmes se présenter à la Cour inutilement entre autres pour obtenir la permission de produire leur demande reconventionnelle. 
[68] Il apparaît qu’effectivement des délais ont été occasionnés par un certain laxisme dans la gestion du dossier et que des engagements formels n’ont pas été respectés malgré l’entente sur le déroulement de l’instance.  
[69] Le tribunal considère que même s’il faut faire preuve d’une certaine souplesse dans la gestion d’un dossier et dans l’application du protocole d’instance et que les obligations de coopération et de bonne foi doivent être toujours présentes de part et d’autre, il n’en demeure pas moins que tant et aussi longtemps que la culture et les habitudes juridiques n’auront pas été modifiées, il faut s’assurer, dans la mesure du possible et de façon raisonnable, que les engagements pris lors du protocole d’instance et le déroulement des procédures se fassent de manière plus efficace. 
[70] Dans le présent dossier, comme le souligne la demanderesse, il y a eu une certaine nonchalance qui mérite une sanction parce que cette nonchalance a obligé la demanderesse à engager des frais judiciaires qui auraient pu et dû être évités.
Référence : [2018] ABD 13

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