jeudi 1 juin 2017

En matière de droit municipal, lorsque la demande d’injonction vise à remédier à une contravention claire d’une norme objective d’ordre public, le tribunal n’aura pas à examiner la balance des inconvénients ni s’il est en présence d’un préjudice sérieux ou irréparable

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Même si nous discutons régulièrement d'injonctions et d'ordonnances de sauvegarde, nous en traitons rarement dans le domaine du droit municipal. Nous remédions à cette omission ce matin en attirant votre attention sur la décision rendue par l'Honorable juge Jean-François Michaud dans l'affaire Ville de Mont-Tremblant c. 9318-9132 Québec inc. (2017 QCCS 2226). Dans celle-ci, le juge Michaud souligne qu'en droit municipal, lorsque la demande d’injonction vise à remédier à une contravention claire d’une norme objective d’ordre public, le tribunal n’aura pas à examiner la balance des inconvénients, ni s’il est en présence d’un préjudice sérieux ou irréparable pour émettre une injonction.



Dans cette affaire, la Demanderesse recherche l’émission d’une ordonnance de sauvegarde afin d’empêcher la location à court terme (31 jours et moins) d’un immeuble à la Défenderesse. En effet, la Demanderesse plaide qu'une telle location est contraire au règlement de zonage pertinent.

Après avoir discuté des critères applicables à l'ordonnance de sauvegarde en général, le juge Michaud souligne qu'il faut parfois faire la distinction entre un droit clair et un droit douteux. Si les deux permettent de conclure au respect de la première condition en matière d'injonction ou d'ordonnance de sauvegarde, la distinction est importante en matière de droit municipal lorsqu'il s'agit d'une norme objective d'ordre public.

En effet, dans un tel cas, le droit clair amènera la Cour à passer outre le critère  du préjudice sérieux ou irréparable:
[23]      Même si un règlement municipal bénéficie d’une présomption de validité, il reste que la Ville doit établir qu’elle détient un droit apparent ou clair à l’émission d’une ordonnance de sauvegarde. 
[24]      Une distinction doit être apportée entre un droit apparent et un droit clair, comme l’explique le juge en chef Bisson dans Québec (Procureur général) c. Entreprises Raymond Denis inc. 
Les conséquences juridiques de la qualification que le juge donnera au droit du requérant ne sont pas les mêmes non plus:  
1.-  Si le droit n'est pas apparent ou encore tout simplement inexistant, le juge n'ira pas plus loin et refusera l'injonction interlocutoire;  
2.-  Si le droit est apparent, sans plus, règle générale le juge s'interrogera sur l'évaluation comparative des inconvénients, le poids des inconvénients, eu égard à la preuve faite devant lui;  
3.-  Si le droit du requérant est évident et certain, le juge, règle générale, n'aura pas à continuer sa démarche et décernera l'ordonnance d'injonction interlocutoire, le moindre préjudice, ou la possibilité sérieuse d'un préjudice étant suffisante lorsque, comme ici, il s'agit d'une question d'intérêt public.  
(le Tribunal souligne) 
[25]      Ainsi, lorsque la demande d’injonction vise à remédier à une contravention claire d’une norme objective d’ordre public, le Tribunal n’aura pas à examiner la balance des inconvénients ni s’il est en présence d’un préjudice sérieux ou irréparable. La Cour d’appel le précise dans Oxford Frozen Foods Ltd. c. Syndicat des producteurs de bleuets du Québec 
[34] Toutefois, lorsque le droit allégué résulte de la violation d'une loi d'ordre public, ce qui est le cas ici, le préjudice doit être examiné sous l'angle de sa nature.  La jurisprudence a généralement statué que la violation claire d'une norme législative ou réglementaire d'ordre public écarte la nécessité de la démonstration du préjudice sérieux ou irréparable ainsi que l'analyse de la balance des inconvénients. […]  
[26]      Bref, si la Ville établit qu’il y a eu clairement violation du Règlement, soit une norme objective d’ordre public, le Tribunal ne s’attardera pas à la balance des inconvénients ni au préjudice sérieux ou irréparable. Par contre, si son droit est apparent ou douteux, le Tribunal devra examiner ces critères.
Référence : [2017] ABD 217

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