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Nous avons déjà traité du fait que l'inscription en faux n'est nécessaire que pour contredire un énoncé que l'officier public ou le notaire avait la mission de constater. C'est donc dire que lorsqu'il s'agit de plaider un vice de consentement - i.e. lorsqu'on allègue qu'il s'agit d'un faux intellectuel - l'inscription en faux n'est pas nécessaire. C'est ce qui réitère l'Honorable juge Donald Bisson dans Fortin c. Castor (2016 QCCS 5928).
Dans cette affaire, le juge Bisson est saisi du recours en délaissement forcé et prise en paiement d’un immeuble situé à Laval, propriété de la Défenderesse, pour défaut d’effectuer le remboursement du prêt hypothécaire qu’il lui a consenti le 10 juin 2013, lequel est devenu à terme depuis le 10 juin 2014 ainsi que pour défaut d’acquitter certaines remises mensuelles à leurs dates d’échéance respectives.
Cette dernière formule une demande reconventionnelle pour demander l’annulation du prêt au motif de vice de consentement et, subsidiairement, au motif de lésion quant au contenu de l’acte de prêt hypothécaire.
Le Demandeur s'objecte au motif que la Défenderesse ne peut attaquer un acte notarié sans procéder par voie d'inscription en faux.
Faisant référence à la jurisprudence pertinente, le juge Bisson rejette cet argument. Il rappelle que l'inscription en faux est nécessaire lorsqu'on fait valoir que le notaire a mal indiqué l'information qui lui a été communiquée par les parties. Ce n'est pas le cas ici, la Défenderesse plaidant plutôt que son consentement a été vicié. En matière de faux intellectuel, l'inscription en faux n'est pas nécessaire:
[29] M. Fortin argumente que Mme Castor aurait dû procéder par inscription en faux pour pouvoir contester l’acte de prêt notarié. Le Tribunal est en désaccord et voici pourquoi.
[30] L’état du droit sur la question est bien expliqué dans la décision H.A. Grétry Inc. c. 9065-3627 Québec Inc. et se résume ainsi :
- L'article 2821 CcQ prévoit les cas où il faut recourir à l'inscription de faux. Cet article se lit ainsi :
2821. L'inscription de faux n'est nécessaire que pour contredire les énonciations dans l'acte authentique des faits que l'officier public avait mission de constater.
Elle n’est pas requise pour contester la qualité de l’officier public et des témoins ou la signature de l’officier public.
- Le notaire a entre autres pour mission d’inscrire fidèlement ce que les parties lui dictent d’entrer à l’acte, lire l'acte, puis le faire signer par les parties et enfin le signer lui-même en y apposant la date et le lieu. Si une de ces tâches n'a pas été dûment remplie par le notaire lui-même, il faut impérativement s'inscrire en faux pour contredire l'acte;
- Il faut distinguer le faux matériel du faux intellectuel. Le premier renvoie à un élément tangible du document comme une altération physique, une omission ou la fausseté de la date. Par contre, le faux intellectuel est l’expression fautive ou erronée par le notaire des déclarations émanant des parties ou des tiers;
- Le recours à l'inscription de faux s'impose lorsqu'on veut démontrer que le notaire n'a pas respecté la volonté des parties quant au contenu de l'acte, de sorte que les énonciations qu'on y trouve ne sont pas conformes à celles que les parties voulaient y voir figurer. Le notaire doit garantir uniquement la conformité de son acte à la volonté apparente des parties;
- Il n’y a pas lieu de recourir à l’inscription de faux si le notaire a fidèlement inscrit à l’acte les déclarations des parties, lesquelles pourraient être néanmoins fondées sur une incompréhension ou une erreur de leur part;
- Lorsqu'une partie, après s'être opposée à ce qu'une clause soit incluse dans un acte notarié, se résout à l'accepter, parce que le notaire l'a induite en erreur sur sa véritable portée, cet acte demeure conforme à la volonté apparente de cette partie et n'est en conséquence entaché d'aucun faux. De même, il n'y a pas lieu, pour une partie, de recourir à l'inscription de faux pour démontrer qu'elle a commis une erreur quant au sens qu'elle a donné à une clause, ou qu'elle n'a pas compris les explications de la partie adverse sur le pourquoi et la portée d'une clause et sur les conséquences de son intervention. La même solution s'applique lorsqu'une partie prétend qu'elle n'a pas compris le sens de l'acte qu'elle a signé, parce que le notaire ne lui a donné aucune explication ou qu'elle a été induite à le signer par suite d'une erreur, ou par fraude, ou par ruse et subterfuge;
- Pour démontrer un faux intellectuel, il faut apporter une preuve forte, claire et précise, même si le fardeau de preuve demeure toujours celui exigé par l'article 2804 CcQ, soit la balance des probabilités. Ainsi, il ne suffit pas que le requérant affirme que le notaire a commis un faux, il faut que son témoignage soit corroboré.
Référence : [2016] ABD 505[31] Ainsi, il est clair ici que Mme Castor tente de démontrer un faux intellectuel et non pas un faux matériel. Elle prétend en effet qu'elle n'a pas compris le sens de l'acte qu'elle a signé devant le notaire Rémillard, parce qu'elle a été induite à le signer par suite d'une erreur de consentement. Pour ce faire, Mme Castor doit apporter une preuve forte, claire et précise. Il ne suffit pas d’affirmer que le notaire a commis un faux, il faut que son témoignage soit corroboré.
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