vendredi 30 décembre 2016

Contrevient à son devoir de loyauté et à la convention unanime d'actionnaires l'administrateur et actionnaire qui démarre une nouvelle compagnie pour faire concurrence à la personne morale

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous en sommes déjà au dernier billet régulier d'À bon droit pour l'année 2016. Pour celui-ci nous traitons de la décision récente rendue par l'Honorable juge François Duprat dans l'affaire Fiducie familiale Hélan c. Fiducie immobilière DCCC (2016 QCCS 6060), où il sanctionne sévèrement - correctement à mon avis - le comportement d'un actionnaire et administrateur qui démarre une entreprise concurrente pour y transférer les activités de la personne morale.


Dans cette affaire, les deux actionnaires à 50% de la Mise en cause prétendent que l'autre a contrevenu à ses obligations en vertu de la convention unanime d'actionnaires en vigueur au sein de l'entreprise et qu'elle a commis un geste qui emporte son retrait automatique de l'entreprise.

Pour nos fins d'aujourd'hui, seule nous importe la demande reconventionnelle de la Défenderesse qui allègue que les Demandeurs ont illégitimement incorporé une compagnie ayant un nom presque identique pour faire concurrence à la Mise en cause et, potentiellement, continuer ses opérations.

Après analyse de la preuve qui confirme les allégations de la demande reconventionnelle, le juge Duprat y voit là un manquement flagrant aux obligations de non-concurrence de la Demanderesse et au devoir de loyauté du Demandeur:
[124] Mais il existe des faits encore plus graves que le déménagement subreptice.  En octobre 2010, l’entreprise IPM Canada Inc. est créée. Monsieur Landry est désigné à la déclaration d’immatriculation comme l’administrateur de cette nouvelle entreprise. 
[125] Or, les activités de cette nouvelle entreprise sont en tous points identiques à celles d’IPM. D’ailleurs, les frères Borgia démissionnent d’IPM pour ensuite immédiatement reprendre le collier avec la nouvelle IPM. La nouvelle IPM a essentiellement conservé le prototype de machine industrielle développée par les frères Borgia et vise toujours d’aller chercher des contrats d’armateurs ou d’usines hydro-électriques. La nouvelle entreprise utilise la même adresse de courriel et les mêmes noms commerciaux qu’IPM. 
[126] Quoique ceci ne soit pas déterminant, il convient de noter que Monsieur Jean-Yves Landry sur sa page Facebook, se décrit comme le Président exécutif d’IPM Canada Inc. à partir de 2010. La preuve établit également que Fiducie Hélan est actionnaire d’IPM Canada Inc.  
[127] Enfin, il est tout aussi évident des témoignages et de la preuve documentaire, que c’est Monsieur Landry qui a géré la vente des actifs d’IPM à la nouvelle IPM. Le résultat final de tout ceci c’est qu’IPM est dépouillée de ses employés et de leur expertise, du prototype, ainsi que de tous ses biens. Ajoutons à ce scénario que Placements McMar a été entièrement remboursé des sommes avancées à IPM et ce, malgré le fait que Monsieur Côté, par son procureur a mis en demeure Monsieur Landry de ne pas procéder à un tel geste. 
[128] Si Monsieur Landry témoigne qu’il a agi pour le mieux afin de maximiser les sommes qui pouvaient être récupérées, cela ne change pas le fait qu’il a procédé à tous ces gestes sans l’accord de son coactionnaire. Ultimement, la majeure partie du produit de la vente sert à rembourser McMar et à faire paiement à Jean-Yves Landry  pour ses services rendus dans la liquidation d’IPM au montant de 56 000 $. 
[129] Clairement, de l’avis du Tribunal, les gestes posés par Monsieur Landry ne respectent pas la convention entre les actionnaires, dont l’article 21 de la convention qui prévoit que ce sont les actionnaires qui ont le pouvoir de décider de la vente ou de toute autre forme d’aliénation de la totalité ou d’une partie substantielle de l’actif de la compagnie, du changement de l’activité principale de la compagnie ou de la nature de ses opérations. Au surplus, Monsieur Landry ne respecte pas l’engagement de non-concurrence qu’il a pris à titre d’actionnaire d’IPM. 
[130] Bref, le Tribunal est d’avis que les gestes de Monsieur Landry contreviennent à  l’article 9 iii) de la convention : 
Pour les fins des présentes, se retire des affaires de la compagnie tout actionnaire qui ou dont le représentant :  
iii) Pose directement ou indirectement des actes qui contreviennent à l’engagement de non-concurrence qu’il a pris envers la compagnie en vertu des présentes, ou qui portent gravement préjudice à la compagnie et ne remédie pas à ce défaut dans les trois (3) jours de la réception d’un avis écrit de la compagnie lui signifiant ce défaut. 
[131] Les défendeurs ont donné avis par le biais de la défense et demande reconventionnelle à laquelle IPM est mise en cause. La demande soulève dans sa plaidoirie une fin de non-recevoir : DCCC et Claude Côté ne peuvent se plaindre des gestes posés par Jean-Yves Landry étant eux-mêmes fautifs. Or, le Tribunal ne tire pas une telle conclusion à l’égard des défendeurs. Il ne fait pas de doute que Monsieur Landry a contrevenu à son engagement de non-concurrence et a posé des gestes qui causent un grave préjudice à l’entreprise : IPM devient en 2010 une coquille vide et ses activités sont reprises par la nouvelle IPM. 
[132] Il y a donc retrait des affaires de la part de Hélan par l’entremise de Monsieur Landry.  Vu l’amendement apporté par les demandeurs à la défense reconventionnelle le 23 septembre 2016, le Tribunal prendra acte de l’offre des demanderesses de céder gratuitement leurs actions ordinaires et privilégiées de IPM à DCCC et Claude Côté, en qualité de fiduciaire.
Référence : [2016] ABD 522

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.