mercredi 24 juin 2015

La Cour supérieure émet une ordonnance de confidentialité "lawyer's eyes only" pour protéger des états financiers

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Les ordonnances de confidentialité "lawyer's eyes only" - i.e. des ordonnances qui prévoient que les avocats et les experts de la partie adverse pourront avoir accès à de l'information, mais ne pourront la divulguer à leur client - sont principalement émises en matière de propriété intellectuelle, mais rien ne s'oppose à leur utilisation en matière commerciale. La décision rendue par l'Honorable juge Karen Kear-Jodoin dans l'affaire Wykanta Canada Ltd. c. Lafrance (2015 QCCS 2729) offre une belle illustration de cette réalité.



Les Demanderesses dans cette affaire ont institué des procédures en dommages contre les Défendeurs au montant de 3 467 000$ alléguant que ces derniers ont illégalement et abusivement mis fin à une lettre d'intention telle qu'amendée. Les dommages réclamés sont de l'ordre de 3 000 000$ en perte de profits futurs et 467 000$ en dépenses pour lesquelles les Demanderesses recherchent le remboursement.

La juge Kear-Jodoin est saisie du débat de plusieurs objections formulées dans le cadre des interrogatoires préalables.
 
Celle qui nous intéresse particulièrement est celle qui a trait à la communication des états financiers des Demanderesses aux Défendeurs. En effet, les Demanderesses plaident que non seulement est-ce qu'une ordonnance de confidentialité devrait être émise, mais seuls les avocats et les experts de la partie adverse devraient avoir accès à l'information en question puisque les parties sont des concurrentes.
 
Après analyse, la juge Kear-Jodoin en vient à la conclusion que la demande des Demanderesses est bien fondée:
[22]        The Plaintiffs maintain that the Defendants are, in fact, their competitors. They request that in the event the Court orders the production of financial statements that the Court order that the financial statements and the information contained therein be disclosed only to the Defendant’s attorneys and the expert, they have retained in this matter. Plaintiffs request that such disclosure not be released to the Defendants.   
[23]        The Defendants agree that, in the event that the financial documents are produced into the Court record that they be filed under seal. Moreover, they state that should their defence make reference to the financial statements or the information stated therein it shall be also filed under seal. Counsel maintains that the Defendants are entitled to such disclosure. 
[24]        The issue of confidentiality was addressed by Justice Le Bel in stated in Glegg vs.  Smith & Nephew: 
[29] Le Code de procédure civile ne détermine pas complètement toutes les modalités de la procédure qui s’appliquerait dans toute situation. Le Code reconnaît d’ailleurs lui-même l’impossibilité de tout prévoir. L’article 46 C.p.c. précise d’ailleurs que « (1) les tribunaux et les juges ont tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de leur compétence » . L’article 395 C.p.c. ajoute, au sujet des interrogatoires préalables, que le juge possède le pouvoir de trancher les difficultés que posent ceux-ci. Ces dispositions permettent au juge de remédier aux silences inévitables du Code ou des règles de pratique du tribunal.  
[30] Dans ce contexte, le juge conserve le pouvoir de prendre toutes les mesures qui éviteraient une divulgation prématurée ou superflue de l’information confidentielle, mais permettraient aussi de s’informer adéquatement sur la nature du conflit et d’encadrer le débat judiciaire engagé à son sujet. Bien des possibilités s’offrent au juge dans ces situations (voir Foster Wheeler, paragr. 44‑47, et Lac d’Amiante, paragr. 35-39). Il pourrait exiger de la partie qui présente une objection une déclaration assermentée précisant la base de celle-ci et énumérant et d’écrivant les documents en litige. Il aurait ensuite la possibilité d’examiner en privé les éléments de preuve, hors de la présence des parties. Il lui serait loisible aussi d’ordonner la transmission des documents, sous réserve des obligations de confidentialité qui s’appliqueraient à cette phase du débat judiciaire, comme nous l’avons vu plus haut. Le juge pourrait aussi interdire aux avocats de communiquer les documents à des tiers ou aux parties elles-mêmes. Rien de ceci n’a été fait ici, en raison de la manière dont l’intimée a conduit le débat sur son objection.   
[25]        The parties are in direct competition with each other. Plaintiffs may suffer a prejudice in the event that such information is released to the Defendants. Therefore, the Court finds that Plaintiff’s request is well-founded.
Référence : [2015] ABD 250

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