vendredi 26 juin 2015

En l'absence de mauvaise foi, les tribunaux n'ont pas à analyser les motifs de résiliation unilatérale d'un contrat de service par le client

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons souvent discuté de la faculté de résiliation unilatérale du client d'un contrat de services en vertu de l'article 2125 C.c.Q. Comme le souligne les autorités pertinentes, seule la mauvaise foi peut faire échec à ce droit de résiliation unilatérale. C'est ce qui amène l'Honorable juge Daniel W. Payette à indiquer dans Communications Stress inc. c. Montréal Auto prix inc. (2015 QCCS 2834) que les tribunaux n'ont pas à analyser la raisonnabilité de la résiliation dans la mesure où la mauvaise foi a été écartée.
 

 
Dans cette affaire, la Demanderesse intente des procédures civiles contre la Défenderesse suite à la résiliation unilatérale par cette dernière du contrat de conseil en plans média et en placement publicitaire qui liait les parties depuis une dizaine d’années.
 
La Demanderesse plaide que le contrat comporte un terme renouvelable de six mois, et que la Défenderesse doit lui payer les quatre mois qui restent à écouler ainsi que certains avantages. Elle réclame aussi le paiement de commissions sur des contrats de placement publicitaire conclus avant la résiliation. Soutenant que la Défenderesse a résilié le contrat de mauvaise foi, elle revendique le paiement de dommages additionnels de 15 000 $. Enfin, elle lui réclame la somme de 10 000 $ pour avoir formulé une demande reconventionnelle frivole et manifestement mal fondée.
 
Après analyse de la preuve, le juge Payette en vient à la conclusion que la Défenderesse n'a pas agit de mauvaise foi. Il ajoute que cette conclusion doit mettre fin à l'analyse puisque ce n'est pas aux tribunaux de juger des motifs de cette résiliation:
[53]        En l’absence d’une preuve prépondérante de mauvaise foi de la part d’Auto Prix, il ne convient pas que le Tribunal décide si son choix est le bon ou si ses motifs de passer de Communications Stress à Side-car sont justes et raisonnables. Agir ainsi aurait pour effet d’amalgamer la résiliation unilatérale prévue à l’article 2125 C.c.Q. et la résiliation pour cause. 
[54]        Communications Stress plaide le droit à un préavis raisonnable et se fonde sur deux décisions pour soutenir son argument. Elles ne lui sont d'aucunes utilité. Dans Société de manutention de métaux liquides ALSIFEMG ltée c. Novelis inc., le droit au préavis était prévu au contrat et le tribunal conclut que c’est pour éluder son obligation de le respecter que la défenderesse invoquait un manquement sans conséquence aux conditions du contrat par sa cocontractante. 
[55]        Dans Mabe Canada inc. (Camco inc.) c. 2849-9937 Québec inc., il n’est pas question de préavis. La Cour d’appel y confirme plutôt le jugement de la Cour supérieure à l’effet que le contrat n’a été résilié que pour évincer une cocontractante après que le client ait obtenu d’elle un modèle de demande d’aide financière qu’elle s’empresse d’utiliser dès le lendemain de la résiliation. Cette affaire n’offre pas de similarité avec celle en l’espèce. 
[56]        Communications Stress invoque aussi la décision Roch Lessard inc. c. Immobilère S.H.Q., pour plaider que le client ne pourrait exercer son droit de résiliation unilatérale sans préavis à l’égard d’un prestataire de services avec qui il fait affaires depuis longtemps. Or, le tribunal n’établit pas un tel principe. Le tribunal y conclut plutôt que la preuve démontre que le client a exercé sa faculté de résiliation unilatérale de mauvaise foi et a tenté d’user d’un prétexte pour obtenir une diminution du coût de son projet qui était déjà fort avancé. Le tribunal désapprouve ce procédé de même que la désinvolture avec laquelle il met fin à une relation d’affaires de près de 20 ans. 
[57]        En l’espèce, Communications Stress n’a pas encore fourni un plan média arrêté pour le printemps lorsqu’Auto Prix résilie le contrat. Si elle a négocié des plages horaires pour diffuser des publicités à la radio sous une forme ou une autre, la campagne publicitaire est loin d’être complétée. Les services à cet égard ne sont pas encore rendus et le produit n’est pas livré. Ce n’est pas pour éviter de payer pour ceux-ci qu’Auto Prix résilie son contrat de service mais pour en confier un nouveau à Side-car afin qu’il mette en œuvre ses propres idées.
Référence : [2015] ABD 253

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