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Sans vouloir dire que les avocats qui pratiquent en matière de recours collectif ne prenaient pas jadis le critère de l'article 1003 (d) du Code de procédure civile (C.p.c.) (le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres) au sérieux, il n'en reste pas moins que ce critère était si facile à satisfaire que peu d'attention lui était accordée.
Récemment, les tribunaux se sont montrés plus exigeant envers le représentant proposé, redonnant ses lettres de noblesse au critère de 1003 (d). Or, la Cour d'appel vient de ramener les exigences quant à la qualité du représentant à leur niveau traditionnel dans Lévesque c. Vidéotron, s.e.n.c. (2015 QCCA 205).
L'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance qui a refusé d'autoriser son recours collectif contre les Intimées. Ce recours cherche à représenter le groupe composé des personnes « qui utilisent ou utilisaient le service Illico sur demande (ci-après appelé le « canal 900 ») et qui ont commandé au moins une fois du contenu payant sous la rubrique “ Films pour adultes, Torride ” depuis le 1er février 2009 ou depuis la date effective à laquelle il y a eu diminution de la durée de location de vingt-quatre (24) heures, si postérieure au 1er février 2009 ».
Le juge de première instance a rejeté la demande d'autorisation parce qu'il a jugé que le représentant proposé n'avait pas effectué une enquête raisonnable sur la cause d'action et la composition du groupe.
L'Honorable juge Dominique Bélanger, au nom d'un banc unanime de la Cour, en vient à la conclusion que le juge de première instance a été trop exigeant envers le représentant proposé. Elle ajoute que, règle générale, le représentant proposé n'a pas à faire d'enquête pour prouver l'existence d'un groupe. Ce n'est seulement que dans les cas où l'existence d'un groupe n'est pas évidente que cette enquête sera requise :
(22) À mon avis, dans le contexte particulier du présent dossier et avec le plus grand respect pour la juge de première instance, il s’agit d’une erreur. À sa décharge, la juge n’a pu bénéficier de l’arrêt rendu postérieurement par la Cour suprême dans l’affaire Infineon Technologies.
(23) Dans cette affaire, la Cour suprême reprend d’abord les enseignements du professeur Lafond et réitère les trois facteurs à considérer pour évaluer la représentation adéquate : 1) l’intérêt à poursuivre; 2) la compétence du représentant, et 3) l’absence de conflit avec les membres du groupe. La Cour suprême ajoute toutefois que « Aucun représentant proposé ne devrait être exclu, à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu’il serait impossible que l’affaire survive équitablement ». Ce faisant, la Cour suprême envoie un message plutôt clair quant au niveau de compétence requis pour être nommé représentant. Le critère est devenu minimaliste.
(…)
(26) Il est exact de dire que, généralement, une personne qui veut se voir reconnaître le statut de représentant d’un groupe ne peut se contenter de présenter son seul dossier pour obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif. Elle doit effectuer certaines démarches qui lui permettront de démontrer qu’elle n’est pas seule dans sa situation et que plusieurs autres personnes démontrent un intérêt à poursuivre. En bref, elle doit démontrer l’existence d’un véritable groupe. En effet, le juge saisi de la demande d’autorisation a besoin d’un minimum d’informations sur la taille et les caractéristiques essentielles du groupe visé pour évaluer le respect du paragraphe 1003 c) C.p.c. De plus, il a souvent besoin de précisions pour évaluer l’insatisfaction des membres du groupe et la pertinence de recourir à l’action collective.
(27) Toutefois, le niveau de recherche que doit effectuer un requérant dépend essentiellement de la nature du recours qu’il entend entreprendre et de ses caractéristiques. Si, de toute évidence, il y a un nombre important de consommateurs qui se retrouvent dans une situation identique, il devient moins utile de tenter de les identifier. Il est alors permis de tirer certaines inférences de la situation.
Difficile de critiquer cette décision de la Cour d’appel alors qu’elle applique les enseignements récents de la Cour suprême. Reste que le recours collectif étant un véhicule procédural dont l’utilisation est lourde de conséquence pour toutes les parties impliquées (incluant les membres du groupe), il me semble préférable de se montrer plus exigeant envers le représentant pour s’assurer qu’il sera un bon représentant pour le groupe proposé.
Qui plus est, je dois avouer avoir de la difficulté à suivre le raisonnement de la Cour sur le sujet puisqu’il est centré sur la question de savoir si un véritable groupe exige. Or, c'est l'article 1003 (c) qui exige la démonstration de la véritable existence d'un groupe, pas l'article (d).
À l'égard de ce dernier, les tribunaux devraient requérir la démonstration d'une enquête de la part du représentant proposé pour prouver son intérêt légitime (au sens usuel et non juridique) pour la cause et sa capacité d’agir valablement au nom des membres proposés du groupe.
Référence : [2015] ABD 84
Le présent billet a été publié sur le site d'actualités juridique Droit Inc. le 18 février dernier.
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