samedi 17 janvier 2015

Par Expert: est inadmissible en preuve le rapport qui porte principalement sur le droit québécois

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Lorsqu'on distille la question de l'admissibilité en preuve d'une expertise, l'on revient toujours à la question essentielle de savoir si l'expertise sera possiblement utile à la Cour. Or - hormis circonstances très exceptionnelles où l'expert décrit un domaine particulière obscur du droit québécois - l'expertise qui porte principalement sur une question de droit n'est pas admissible en preuve. La décision de la Cour supérieure dans Côté c. Gagnon (2005 CanLII 667) illustre bien ce principe.



Le Demandeur dans cette affaire est un patient qui allègue avoir été mal soigné. Il avait intenté une action en responsabilité professionnelle contre son médecin qu'il fini par perdre.
 
Il intente maintenant un recours contre ses procureurs dans lequel il allègue que ceux-ci ont causé la perte de son droit d'action initial. À l'appui de ce recours, le Demandeur dépose plusieurs expertises, dont un par un avocat québécois qui traite du droit de la responsabilité médicale. 

Après analyse, l'Honorable juge Frank G. Barakett est d'avis que le rapport en question est irrecevable. En effet, il souligne que le droit québécois est le domaine souverain du juge et que l'expertise qui porte donc principalement sur la question doit être exclue du dossier:
[25]            Pourtant, « il n’appartient pas aux experts de rendre jugement sur l’existence de la faute professionnelle ou de se prononcer, en dernier ressort, sur la qualification d’un acte professionnel à l’égard des principes de la responsabilité civile.  La décision de le considérer ou non comme une faute engageant la responsabilité relève du tribunal ». 
[26]            Qui plus est, pour paraphraser le juge Crête dans l’affaire Parizeau c. Lafrance, le droit sur lequel le Tribunal devra ici se prononcer n’étant pas du droit étranger, aucune expertise n’est alors nécessaire puisque les juges ont une connaissance d’office du droit interne.  
[27]            Rien n’empêche toutefois le procureur des demandeurs de plaider, après la preuve des faits, les points de droit soulevés dans l’opinion de Me Ménard, celle-ci relevant en fait de la plaidoirie.  
[28]            Par ailleurs, une expertise pertinente dans l’évaluation d’une pratique professionnelle porte sur des normes et usages, une pratique générale, établis d’un milieu.  En l’espèce, les règles de l’art dont fait état maître Ménard semblent être les siennes.  En effet, ce dernier ne s’appuie à cet égard ni sur la jurisprudence ni sur la doctrine.  
[29]            Enfin, bien qu’il soit dangereux d’exclure une expertise avant que toute la preuve n’ait été présentée au tribunal, il s’avère approprié en l’espèce de rendre une telle décision à ce stade, l’inadmissibilité de l’expertise étant évidente. Ce serait par conséquent contraire à une saine administration de la justice que de déférer le tout au juge du fond.  
[30]            D’autre part, les passages relevant de l’opinion juridique étant très nombreux, il est donc impossible d’admettre en preuve le rapport expurgé de ceux-ci.  L’expertise de Me Ménard s’en retrouverait en fait dénaturée, à tel point qu’elle est entièrement irrecevable en preuve.
Référence : [2015] ABD Expert 3

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