vendredi 28 novembre 2014

Un franchiseur doit vivre avec les conséquences de la structure juridique qu'il met en place pour le paiement des loyers pour ses franchises

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Afin de s'assurer de ne pas perdre leurs emplacements de choix en cas de faillite d'un franchisé, les grandes franchises insistent souvent pour que les baux de location soient signés par le franchiseur, qui sous-loue ensuite celui-ci au franchisé. Or, comme le souligne l'Honorable juge Benoît Emery dans Soltron Realty Inc. c. Café Vienne Canada inc. (2014 QCCS 5530), le franchiseur doit vivre avec les engagements pris envers le locateur dans une telle situation et est juridiquement responsable du loyer, alors que le franchisé est responsable pour les paiements au franchiseur et non au locateur .


Tentant d'exécuter un jugement rendu en sa faveur contre la Défenderesse, la Demanderesse a fait saisir en main tierce des loyers supposés dus par les franchisés de la Défenderesse à celle-ci.
 
La Défenderesse et ses franchisés contestent cette saisie parce qu'au niveau factuel les franchisés payent tous leurs loyers directement aux locateurs de sorte qu'aucun montant n'est payé ou payable à la Défenderesse.
 
Le juge Emery rejette cette contestation. Ayant choisi une structure juridique pour les baux, la Défenderesse doit vivre avec les conséquences juridiques de ce choix. Ainsi, légalement, c'est la Défenderesse qui doit payer les loyers et ses franchisés lui doivent à leur tour ces mêmes montants en vertu de la sous-location. Des montants sont donc payables par les franchisés à la Défenderesse et ceux-ci peuvent être saisis:
[47]        Le fait que le loyer du bail de sous-location soit payé directement au propriétaire par le sous-locataire ne modifie pas les obligations contractuelles découlant de ce bail. Selon l'article 1555 C.c.Q, le paiement peut être fait par toute personne, lors même qu'elle serait un tiers par rapport à l'obligation. Le fait d'accepter ce paiement ne libère pas le locataire de ses obligations face au propriétaire. La novation ne se présume pas (article 1661 C.c.Q.). Il faut distinguer entre le simple fait de remettre un chèque directement au propriétaire d'une part et les obligations découlant des baux de location et de sous-location d'autre part. 
[48]        Vienne agit comme si elle était entièrement étrangère à l'exploitation de la vingtaine de franchises opérant sous la bannière Café Vienne. Il appert que le groupe Café Vienne a soigneusement créé cette structure de franchises pour avoir un contrôle total sur ses franchisés et les locaux qu'ils occupent. Le franchiseur veut ainsi éviter qu'advenant le retrait d'un franchisé, celui-ci puisse continuer à occuper le local et opérer sous une autre bannière. 
[49]        C'est donc sciemment que le franchiseur ne permet pas qu'un franchisé signe un bail de location directement avec le propriétaire tout en lui imposant toutefois l'obligation de payer son loyer directement au propriétaire.  
[50]        Aujourd'hui, Vienne et Vienne 1998 tentent d'opposer au propriétaire cette structure de franchises pour contourner ses obligations contractuelles découlant du bail principal. Ainsi, elles jouent sur les deux tableaux. Face aux franchisés, elles leur interdisent de conclure un bail directement avec le propriétaire et d'autre part, tentent d'opposer au propriétaire le fait que Vienne n'est jamais tenue de payer les loyers découlant du bail de location intervenu entre elle et le propriétaire. 
[51]        Le tribunal ne peut adhérer à ce stratagème.  
[52]        Décider autrement serait cautionner une structure corporative selon laquelle Vienne ne serait jamais redevable envers les propriétaires de qui elle loue des locaux destinés aux franchisés de la bannière Café Vienne.
Référence : [2014] ABD 476

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