vendredi 8 août 2014

La portée très limitée de l'exception qui permet une analyse superficielle du fond d'une sentence arbitrale

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans Coderre c. Coderre (2008 QCCA 888) - dont nous traiterons dans le cadre de notre prochain Dimanches retro - la Cour d'appel avait ouvert une brèche dans le principe voulant que l'on ne peut, dans le cadre d'une demande d'annulation d'une sentence arbitrale, se pencher sur le fond de l'affaire. Dans la décision récente qu'il a rendu dans l'affaire Dynafund Ltd. c. Italsav, s.r.l. (2014 QCCS 3772), l'Honorable juge Stephen W. Hamilton souligne cependant la portée très limitée de cette exception.
 


La Demanderesse dans cette affaire s'adresse à la Cour pour obtenir l'annulation d'une sentence arbitrale qui l'a condamné à payer 1 125 856,91 € (plus intérêts) à la Défenderesse. Elle invoque des manquements aux principes d’ordre public et de justice naturelle dans des procédures connexes à Cuba et des défauts d’appliquer le droit québécois et le contrat entre les parties dans la sentence arbitrale.
 
Particulièrement d'intérêt pour nos fins d'aujourd'hui est l'argument de la Demanderesse à l'effet que la sentence arbitrale doit être annulée en raison du fait que l'arbitre aurait changé les termes du contrat duquel découle ses pouvoirs.
 
Le juge Hamilton rejette cet argument et souligne que l'exception créée dans l'affaire Coderre doit avoir une application très limitée. En effet, il faut déceler une expression claire du fait que l'arbitre a mis de côté une partie du contrat:
[40]        La plupart des autres motifs d’annulation soumis par Dynafund dans ce chapitre sont de la nature d’erreurs que l’arbitre aurait faites.  En principe, ces arguments sont irrecevables en fonction de l’article 946.2 C.p.c. qui prévoit que le tribunal ne peut examiner le fond du différend.   
[41]        Toutefois, la Cour d’appel a reconnu une exception à ce principe dans l’arrêt Coderre cité par Dynafund.  Dans cet arrêt, la Cour d’appel a annulé une sentence arbitrale pour le motif que l’arbitre avait écarté des dispositions contractuelles jugées inopportunes.  Dynafund plaide que la décision arbitrale a eu pour effet d’amender les contrats entre Dynafund et Italsav à plusieurs égards. 
[42]        Il ne faut pas donner à Coderre une portée trop large.  Dans Coderre, l’arbitre avait expressément mis de côté deux dispositions contractuelles.   Il ne faut pas prétendre que l’arbitre a changé le contrat à chaque fois qu’on n’est pas d’accord avec la façon qu’il l’a interprété.  Le juge Schrager fait la distinction dans le jugement Superior Energy Management dans les termes suivants : 
[64]      For Manson to say before this Court that the arbitrators re-wrote the contract because they did not apply load balancing is not a fair portrayal of the process. Load balancing was applied where in the opinion of the arbitrators there was no error in the check box i.e. for the gas that Manson was to consume after April 2008 according to the agreement between the parties.  
[65]      The arbitrators applied load balancing when in their opinion it formed part of the agreement between the parties. Where the check box was an error they gave precedence to the contradictory clause which in their opinion reflected the real agreement as intended by the parties, the whole based on the evidence adduced before the arbitrators.  
[66]      Manson's argument in this regard cannot succeed. 
[43]        Dans le cas sous étude, l’arbitre a interprété les contrats, mais n’a rien retranché des contrats.  Il s’agit plutôt d’un cas où Dynafund n’est pas d’accord avec son interprétation.  L’argument basé sur Coderre est donc rejeté.
Référence : [2014] ABD 316

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