jeudi 14 août 2014

Il est possible de contester la compétence interne des tribunaux québécois pour la première fois en appel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Un des avantages importants d'être un bloggeur, c'est que j'ai la chance de recevoir régulièrement copie de jugements intéressants de membres de la communauté juridique. C'est le cas ce matin puisque l'incomparable Sylvain Lussier Ad. E., a attire mon attention sur la décision récente rendue par l'Honorable juge François Doyon dans Régie de l'assurance maladie du Québec c. Pharmaprix inc. (2014 QCCA 1488). Dans cette décision, le juge Doyon touche à une question dont nous avons traité hier, à savoir que la compétence interne des tribunaux québécois ne dépend pas de la volonté des parties.
 

Dans cette affaire, les Requérants demandent à un juge unique de la Cour d'appel de suspendre l'exécution d'un jugement rendu par la Cour puisqu'ils ont l'intention de former une demande de permission devant la Cour suprême du Canada.

En première instance, les Requérants ont obtenu une ordonnance de sursis partielle de trois subpoenas décernés par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Les Intimées, invoquant l’article 19 de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec, ont demandé à un juge de la Cour d'appel d'annuler cette ordonnance de sursis. Ils ont eu gain de cause au terme de cette audition.
 
Parmi les argument qu'entendent faire valoir les Requérants en est un de compétence, c'est à dire que l'article 19 de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec ne s'appliquait pas en l'espèce.
 
La difficulté quant à cet argument est que les Requérants n'ont pas plaidé celui-ci préalablement. Nonobstant ce fait, les Requérants convainquent le juge Doyon que, conformément au principe dont nous avons fait état hier après-midi, cela ne les empêchent pas de plaider ce moyen maintenant puisqu'il s'agit d'une question de compétence:
[12] En somme, selon les requérants, si la RAMQ a le pouvoir de décerner un subpoena, ce n’est pas en vertu de sa Loi, mais, par renvoi, en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête. Par conséquent, en faisant enquête, la RAMQ agit en sa qualité officielle, mais elle n’agit plus en cette qualité lorsqu’elle décerne un subpoena, ce qu’elle fait en tant que personne investie des pouvoirs d’un commissaire d’une commission d’enquête. Or, la Loi sur les commissions d’enquête ne contient pas une clause de renfort. Ils ajoutent être confortés dans leur argument par le fait que les dispositions prévues à l’art. 20 sont insérées après les art. 18 et 19 de la Loi, ce qui confirmerait l’intention du législateur d’exclure l’utilisation de la clause de renfort dans un cas comme celui qui nous occupe. 
[13] Il me faut ici apporter une précision. Cet argument n’a pas été soumis à mon collègue. Répondant à mes interrogations à ce sujet, l’avocate des requérants n’a pas été en mesure d’expliquer cette omission, se contentant de dire que l’absence d’arguments ne peut conférer compétence à une cour. Cela va de soi, mais il va aussi de soi qu’une saine pratique voudrait que de tels arguments soient d’abord présentés au juge appelé à trancher le débat. 
[14] Cela étant, je ne peux rejeter les prétentions des requérants pour cette seule omission, vu qu’il est question de compétence sur la matière. 
[15] De plus, sans me prononcer sur la valeur de ces arguments, je me limiterai à dire qu’ils ne sont pas futiles, ce qui constitue le test applicable en ce qui a trait au premier critère de suspension, soit le sérieux de la question.
Référence : [2014] ABD 323

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