vendredi 4 avril 2014

La décision d'accorder ou refuser une demande de remise est essentiellement discrétionnaire et donc rarement susceptible d'appel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Bien que la décision rendue par un juge de permettre ou refuser la remise d'un procès peut avoir une incidence importante sur les droits des parties, il reste qu'il s'agit fondamentalement d'une décision discrétionnaire. Pour cette raison, comme le souligne l'Honorable juge Nicholas Kasirer dans Beaulne c. Warner Chappel Music France (2014 QCCA 599), la permission d'en appeler d'une telle décision sera très rarement accordée.

Dans cette affaire, les Requérants recherchent la permission d'en appeler d'un jugement qui a refusé une demande de remise d'un procès. Cette demande se fondait sur des considérations médicales.
Le juge Kasirer rejette cette demande. Il indique à cet effet que, même en tenant pour acquis que le jugement serait appelable au sens de l'article 29 C.p.c., il n'est pas dans l'intérêt de la justice d'accorder la permission recherchée. Le pouvoir d'accorder ou refuser une demande de remise étant discrétionnaire, seules des circonstances extraordinaires pourraient justifier une telle permission:
[11] Notons qu’un rejet d’une demande de remise relève de la gestion d’instance et que, règle générale, la Cour d’appel n’intervient que rarement dans ce type de décision. La raison est bien évidente : la loi accorde aux juges gestionnaires de larges pouvoirs discrétionnaires pour assurer la bonne marche des débats judiciaires. 
[12] Contrairement à ce que plaident les requérants, il n’y a pas d’erreur manifeste commise par le juge dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Les amendements permis par le juge ont été présentés dans les délais et le juge avait le pouvoir de décider que ces ajouts ne portaient pas atteinte au droit à une défense pleine et entière. Il est très clair, à la lecture du jugement, que le juge a soupesé tous les éléments pour et contre la remise, dont des considérations relatives au principe de proportionnalité ainsi que « le droit d’une partie d’être pleinement entendu ». Son choix de refuser la remise s’inscrit dans l’exercice légitime de son pourvoir d’assurer, par une gestion attentive du dossier, la bonne marche des débats judiciaires. Cette décision mérite déférence en appel.  
[13] Quant à l’état de santé de M. Beaulne, le juge a eu l’avantage des explications des requérants, y compris le billet médical du médecin. Le juge a eu l’avantage d’avoir M. Beaulne devant lui au moment où il tranche la demande de remise. Il note, dans son jugement, « qu’à ce moment, Monsieur Beaulne n’a pas indiqué qu’il ne serait pas en mesure de procéder ». Le juge a évalué le billet médical présenté au soutien de la demande de remise et, dans les circonstances, l’a jugé insuffisant. 
[14] Il est vrai qu’il a été déjà décidé que le rejet d’une demande de remise lorsqu’une personne est hospitalisée à l’étranger est un jugement susceptible d’appel lorsque son absence entraînerait nécessairement le rejet de son recours. Or, le rejet du recours n’est pas en jeu ici : l’état de santé de M. Beaulne, dont le juge a mesuré la gravité, n’empêcherait pas la tenue du procès puisqu’il est représenté par avocat. 
[15] En somme, la décision de refuser la remise, malgré la preuve concernant l’état de santé de M. Beaulne, n’a rien d’abusive dans les circonstances. Les requérants n’ont pas réussi à me convaincre que le juge n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire judiciairement, au contraire.
Référence : [2014] ABD 135

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