samedi 4 janvier 2014

Par Expert: les critères relatifs à la recevabilité d'une expertise

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour le premier billet de notre nouvelle chronique Par Expert, nous remettons à la base de la notion d'expertise pour discuter des enseignements de la Cour suprême sur les circonstances dans lesquelles la Cour acceptera celle-ci. En effet, dans R. c. Mohan ([1994] 2 R.C.S. 9), la Cour mettait de l'avant les critères à satisfaire pour qu'une expertise soit recevable. J'ai souvent l'impression de ceux-ci sont trop vite oubliés.


Il s'agissait en l'instance d'une affaire criminelle. L'Intimé, un pédiatre, faisait face à des chefs d'accusation d'agression sexuelle commise sur quatre patientes, toutes mineures, pendant leur examen médical. Au procès, le procureur de l'Intimé a exprimé l'intention d'appeler comme expert un psychiatre pour témoigner quant à son opinion que l'auteur des infractions alléguées appartenait à un groupe limité et inhabituel d'individus et que l'Intimé ne faisait pas partie de cette catégorie restreinte parce qu'il n'en possédait pas les caractéristiques propres. 

L'expert en question a témoigné lors du voir‑dire que le profil psychologique de l'auteur des trois premières agressions alléguées était probablement celui d'un pédophile alors que celui de la quatrième était celui d'un psychopathe sexuel.  L'expert avait l'intention de témoigner que l'Intimé ne correspondait pas à ces profils, mais son témoignage a été jugé inadmissible à l'issue du voir‑dire.
 
La Cour d'appel a renversé cette décision de première instance, d'où le pourvoi en Cour suprême.
 
C'est sur cette toile de fond que la Cour discute des critères de la recevabilité d'une expertise dans une instance judiciaire. Au nom de la Cour, l'Honorable juge Sopinka élabore les critères reproduits ci-dessous. Il ajoute en outre que l'admissibilité de la preuve d'expert n'est pas simplement une question de pertinence ou d'utilité, mais bien de nécessité:
L'admission de la preuve d'expert repose sur l'application des critères suivants: 
a)  la pertinence; 
b)  la nécessité d'aider le juge des faits;  
c)  l'absence de toute règle d'exclusion;  
d)  la qualification suffisante de l'expert. 
[...] 
Cette condition préalable est fréquemment reprise dans la question de savoir si la preuve serait utile au juge des faits.  Le mot «utile» n'est pas tout à fait juste car il établit un seuil trop bas.  Toutefois, je ne jugerais pas la nécessité selon une norme trop stricte.  L'exigence est que l'opinion soit nécessaire au sens qu'elle fournit des renseignements «qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury»:  cité par le juge Dickson, dans Abbey, précité.  Comme le juge Dickson l'a dit, la preuve doit être nécessaire pour permettre au juge des faits d'apprécier les questions en litige étant donné leur nature technique.  Dans l'arrêt Kelliher (Village of) c. Smith, [1931] R.C.S. 672, à la p. 684, notre Cour, citant Beven on Negligence (4e éd. 1928) à la p. 141, a déclaré que la preuve d'expert était admissible si [traduction] «l'objet de l'analyse est tel qu'il est peu probable que des personnes ordinaires puissent former un jugement juste à cet égard sans l'assistance de personnes possédant des connaissances spéciales».  Plus récemment, dans l'arrêt R. c. Lavallee, précité, les passages précités des arrêts Kelliher et Abbey ont été appliqués pour admettre une preuve d'expert sur l'état d'esprit d'une femme «battue».  On a souligné qu'il s'agissait là d'un domaine que la personne ordinaire ne comprend pas.
Référence neutre: [2014] ABD Expert 1

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