vendredi 1 novembre 2013

La convention de subordination intervenue entre deux créanciers ne peut être invoquée par le débiteur

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La convention de subordination est un contrat par lequel un créancier s'engage envers un autre à ne pas réclamer de son débiteur le paiement de la dette tant que cet autre créancier n'aura pas été lui-même remboursé. Dans l'affaire Laflamme c. Bergonzi (2013 QCCQ 12468), la Cour du Québec devait déterminer si le débiteur pouvait invoquer une telle convention pour refuser de payer le créancier qui a accepté que sa dette soit subordonnée. La Cour répond par la négative à cette question.
 

Dans cette affaire, le Demandeur réclame la somme de 21 202,80$ aux Défendeurs, représentant le solde du prix de vente de toutes les actions qu'il possédait dans le capital-actions de Asphalte inc., qu'il a vendues à la Défenderesse et dont le remboursement est garanti par le cautionnement du Défendeur.
 
Les Défendeurs contestent la réclamation au motif que le Demandeur a signé une convention de subordination avec la Banque HSBC Canada (HSBC) en vertu de laquelle il a accepté de ne pas être payé tant que la Banque n'a pas obtenu le remboursement de son prêt. Puisque le prêt consenti par la Banque n'est pas encore remboursé, les Défendeurs plaident que le recours du Demandeur est prématuré.
 
La question qui se pose donc elle celle de savoir si les Défendeurs peuvent invoquer la convention de subordination à laquelle ils ne sont pas parties. L'Honorable juge Dominique Langis en vient à la conclusion que la réponse à cette question est négative:
[18]    La Cour d'appel définit le contrat de subordination ainsi dans l'arrêt Merisel, l'un des rares jugements au Québec portant sur le sujet : 
[9] Le contrat de subordination est essentiellement un instrument de crédit d'usage courant aux États-Unis et dans les provinces de common law du Canada. Le contrat est généralement réglementé dans les autres provinces canadiennes par des lois particulières. L'auteur MacDougall définit le concept :
A subordination agreement is an arrangement whereby one creditor expressly and voluntarily agrees to subordinate its claim against the debtor to the claim of another creditor. That other creditor can, thus, have its obligations against the debtor satisfied first.
[10] Au Québec, la convention de subordination est un contrat innommé de nature protéiforme. Il faut, en conséquence, s'en rapporter au texte de chaque contrat et aux règles générales d'interprétation pour en cerner le contenu.
[11] D'entrée de jeu, on peut s'interroger sur l'intérêt d'un créancier à subordonner sa créance à celle d'un autre créancier. Le créancier qui a recours à ce mécanisme détient généralement des intérêts financiers autres dans la débitrice. Ce créancier désire faciliter le crédit de la débitrice auprès d'un autre créancier. Pour ce faire, il subordonne sa créance en faveur d'une autre créance.
[…]
[24] (…) Le but ultime d'une convention de subordination pour le créancier bénéficiaire est de s'assurer d'être payé par préférence au créancier subordonné en cas de déboires financiers du débiteur. […].
[…]
[31] (…) Sans être une caution, la convention de subordination ajoute un avantage ou du moins une certaine sécurité de paiement. […].
[...] 
[23]    Bien que la convention de subordination soit opposable à Asphalte inc. et M Bergonzi, ceux-ci sont des tiers par rapport à cette convention et ne peuvent conséquemment l'invoquer puisqu'elle ne produit ses effets juridiques qu'entre les contractants seulement, HSBC et M. Laflamme. 
[24]    De l'avis du Tribunal, le motif qu'ils invoquent doit être soulevé par HSBC et non par Asphalte inc. Ils plaident en quelque sorte au nom d'autrui. 
[25]    Aussi, accepter leur prétention quant à la non-exigibilité du solde dû revient à dire que M. Laflamme pourrait ne jamais pouvoir exercer son recours contre eux car seule la fin de l'endettement de Asphalte inc. envers HSBC donnerait cette possibilité selon la convention de subordination, alors que Asphalte inc. est incapable de rencontrer ses obligations envers HSBC, obligeant celle-ci à recourir à une ordonnance de séquestre. M. Laflamme ne sera jamais payé par Asphalte inc. à moins que le séquestre réalise un surplus, ce qui est très hypothétique.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1a447Qd

Référence neutre: [2013] ABD 438

Autre décision citée dans le présent billet:

1. 2862565 Canada inc. c. Merisel Canada inc., 2002 CanLII 41104 (C.A.).

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