mardi 10 septembre 2013

Les circonstances très exceptionnelles qu'il faut démontrer pour obtenir une injonction interdisant à une banque d'honorer une lettre de crédit

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avions déjà traité du sujet le 5 avril 2011; l'injonction provisoire ou l'ordonnance de sauvegarde pour empêcher l'encaissement d'une lettre de crédit est extrêmement difficile à obtenir. Cela découle principalement du fait que la lettre de crédit est un instrument distinct de la dette ou l'obligation sous-jacente à son émission et que l'on ne peut donc pas, règle générale, obtenir une injonction au motif que l'argent n'est pas véritablement dû. L'Honorable juge Charles Ouellet revisitait ces principes récemment dans l'affaire Cleanbox inc. c. BTL Construction inc. (2013 QCCS 4218).



Dans cette affaire, les Demanderesses recherchent l'émission d'une ordonnance d’injonction provisoire aux fins d’interdire, pour une durée de 10 jours, à la Défenderesse de formuler une demande de paiement en vertu d’une lettre de garantie bancaire qui a été émise en sa faveur. Cette lettre de crédit a été émise pour garantir l'exécution de certains travaux.
 
Les Demanderesses allèguent essentiellement qu'aucun montant n'est dû à la Défenderesse, de sorte qu'elle ne devrait pas pouvoir présenter une demande de paiement en vertu de la lettre de crédit.
 
Le juge Ouellet rejette la requête présentée par les Demanderesses, soulignant que les motifs justifiant qu'il soit interdit à une banque d'honorer une lettre de crédit sont très limités (essentiellement, il faut démontrer fraude) et que les faits de l'affaire ne satisfont pas à ce test très exigeant:
[10]        En vertu du droit applicable au Québec, les motifs qui peuvent justifier d’interdire à une banque d’honorer une lettre de crédit dans des circonstances comme celles-ci sont limités. 
[11]        Dans l’arrêt Banque de la Nouvelle-Écosse c. Angelica Corporation et al la Cour suprême du Canada indique : 
« Une banque émettrice est tenue d’honorer une traite tirée sur une lettre de crédit documentaire lorsqu’elle est accompagnée de documents qui présentent l’apparence de régularité et de conformité avec les conditions du crédit.  Cette obligation est indépendante de l’exécution du contrat sous-jacent à l’égard duquel le crédit a été accordé.  La banque émettrice accepte de payer sur présentation des documents et non des marchandises.  Il y a une exception à cette règle :  une banque ne devrait pas payer quand un acte de fraude de la part du bénéficiaire du crédit a été porté suffisamment à sa connaissance avant le paiement de la traite ou démontré devant un tribunal auquel le client de la banque a demandé de délivrer une injonction interlocutoire pour empêcher la banque d’honorer la traite. » 
[12]        Soulignons que le texte même de la lettre de crédit bancaire émise en France par la Banque Palatine semble s’accorder avec les règles de droit susdites.   
[13]        Quoi qu’il en soit, le procureur des demanderesses Cleanbox et Panelco reconnaît que l’affidavit et les pièces ne démontrent pas de fraude et il a raison.  C’est donc dire qu’en appliquant les principes émis par la Cour suprême du Canada, il nous faudrait conclure que Cleanbox et Panelco n’ont pas démontré avoir l’apparence de droit qui est nécessaire à l’émission d’une ordonnance d’injonction provisoire.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1fYgSfC

Référence neutre: [2013] ABD 361

Autre décision citée dans le présent billet:

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