dimanche 11 août 2013

Dimanches rétro: la responsabilité sans faute ne peut exister en droit québécois en l'absence d'un texte législatif expresse

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Si l'existence de la responsabilité sans faute en droit québécois ne fait maintenant plus de doute dans certains domaines, reste que cette responsabilité demeure exorbitante du droit québécois. En effet, comme l'indiquait la Cour suprême dans l'affaire Lapierre c. P.G. (Qué.) ([1985] 1 R.C.S. 241), la théorie des risques n'existe pas généralement en droit québécois de sorte que la responsabilité sans cause nécessite une disposition législative expresse.

Quelques jours après avoir reçu un vaccin contre la rougeole dans le cadre d'un programme de vaccination instauré par le gouvernement du Québec, la fille de l'Appelante a été victime d'une encéphalite virale aiguë laquelle devait entraîner l'incapacité permanente quasi totale de l'enfant.
 
La question centrale qui se pose dans ce pourvoi est celle de savoir si la responsabilité du gouvernement du Québec pouvait être retenue nonobstant l'absence de faute commise par celui-ci. Le juge de première instance avait accueillie l'action sur cette base, alors que la Cour d'appel avait renversé ce jugement au motif que la responsabilité sans faute n'existait pas en droit québécois.
 
Dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge Chouinard, la Cour rejette l'appel et confirme le raisonnement de la Cour d'appel. En effet, le juge Chouinard indique que le législateur québécois a rejeté a théorie des risques (voulant qu'une personne qui pose un geste est responsable de toutes les conséquences de celui-ci sans égard à la faute) et que la responsabilité sans cause nécessite une disposition législative expresse:
109. La théorie du risque a été décrite de la façon suivante par H. et L. Mazeaud et A. Tunc, op. cit., au no 339, p. 431: 
Parmi les partisans de la théorie du risque, certains se contentent de nier la nécessité de la faute; ils déclarent que tout fait, fautif ou non fautif, qui cause un dommage oblige son auteur à réparation. C'est ce qu'on peut appeler la théorie du risque intégrale, thèse purement négative. Mais la plupart des détracteurs de l'idée de faute ne s'arrêtent pas là: après avoir démoli, ils s'efforcent de construire; ils reconnaissent que tous les faits dommageables ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité de leur auteur; ils cherchent alors un critère, distinct de la faute, permettant d'établir la discrimination qu'ils estiment nécessaire; ils se séparent d'ailleurs dans cette recherche, chacun proposant un critère particulier. [C'est, par exemple, la théorie du risque‑profit.] 
110. Les mêmes auteurs indiquent au no 353, pp. 442 et 443, que la théorie du risque n'est pas acceptée en droit français: 
Peut‑être la théorie du risque soulève‑t‑elle, sur le terrain de l'équité, moins d'objections en droit public. Lorsqu'en effet, c'est l'état ou une collectivité publique qui a causé un dommage par le fait de ses agents, il n'y a rien d'immoral à l'obliger à réparation, quand bien même aucune faute n'aurait été commise. Il ne s'agit plus en effet ici d'appauvrir un particulier, ce contre quoi l'équité proteste lorsque la conduite de celui‑ci est exempte de faute; il s'agit de savoir si un seul citoyen, la victime, supportera la charge du fonctionnement du service qui l'a lésé, ou si tous les citoyens représentés par l'état, participeront à cette charge. La question se pose sous un jour tout à fait nouveau; il y a là un problème de «répartition des charges publiques», «d'égalité des individus devant les charges publiques». Mais aucun publiciste contemporain n'accepte purement et simplement la théorie du risque. 
111. La théorie du risque n'est pas davantage acceptée en droit québécois. 
[...]  
115. À mon avis le droit est correctement énoncé dans Simard c. Soucy, [1972] C.A. 640, par le juge Deschênes, alors juge à la Cour d'appel, lorsqu'il écrit à la p. 651: 
[P]asser du régime de responsabilité à base de faute‑‑prouvée ou présumée‑‑au régime à base de risque qu'une certaine partie de la doctrine française a prônée depuis le début du siècle [...] n'a pas été accept[é] dans le droit du Québec.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1cVfMEg

Référence neutre: [2013] ABD Rétro 32

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