vendredi 17 mai 2013

Pas toujours proportionné

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L’entrée en vigueur en 2003 des articles 4.1 et 4.2 du Code de procédure civile s’inscrivait dans le cadre d’une révolution qui devait changer la façon de concevoir les instances judiciaires. Dix ans plus tard, si l’on peut affirmer sans l’ombre d’un doute que les choses ont changé (généralement pour le mieux), on ne peut certes pas parler d’une révolution. Je laisse à chacun le soin de décider s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise chose. L’efficacité des articles 4.1 et 4.2 C.p.c., en particulier, est limitée par l’existence de deux règles de preuve qui ont préséance sur le principe de la proportionnalité (du moins selon les tribunaux québécois) : (a) la possibilité de faire la preuve de tout fait pertinent et (b) la règle de la meilleure preuve.
 

La récente décision rendue dans l'affaire Etiah H. Entreprises inc. c. Société de l'assurance automobile du Québec (2013 QCCS 1740) illustre bien ce propos.
L'Honorable juge Pierre Ouellet est, dans cette affaire, saisi du débat de certaines objections soulevées dans le cadre d'un interrogatoire préalable. La Défenderesse, invoquant la règle de la meilleure preuve, exige que la Demanderesse prouve avoir payé toutes les dépenses sur lesquelles elle fonde en partie sa réclamation en dommages.
La Demanderesse s'objecte à la pertinence de cette demande. Malheureusement pour elle, le juge Ouellet rejette cette objection, étant d'opinion qu'à ce stade il n'est pas possible de conclure à une absence totale de pertinence.
De manière subsidiaire, la Demanderesse fait valoir que la demande de communication est disproportionnée en ce qu’elle force la Demanderesse à faire un travail colossal. Malheureusement pour elle, le juge Ouellet rejette également cet argument. Il souligne à cet égard que des considérations de proportionnalité ne peuvent mettre de côté les règles de meilleure preuve et de pertinence:
[35] D’autre part, l’appel à la règle de la proportionnalité qu’a fait l’avocat de la demanderesse à l’audience ne permet pas de lui donner raison.  
[36] Cette règle doit guider le Tribunal dans les décisions qu’il a à prendre, mais ne peut l’emporter sur la règle de la pertinence et celle de la meilleure preuve.
Référence neutre: [2013] ABD 198
 

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