dimanche 7 avril 2013

Dimanches rétro: l'importance de distinguer les allégations factuelles des opinions et conclusions

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous en avons déjà discuté auparavant (voir notre billet ici: http://bit.ly/ZfAt61), mais la question est importante et vaut un Dimanches rétro. Dans certaines circonstances (irrecevabilité, autorisation d'un recours collectif, etc.), la Cour doit prendre les faits allégués pour avérés. Cette précision est importante: ce sont les faits qu'il faut tenir pour avérés, et non les arguments, opinions ou conclusions comme le soulignait la Cour d'appel en 2004 dans Gillet c. Arthur (2004 CanLII 47873).
 

Dans cette affaire, la Cour était saisie d'un pourvoi à l'encontre d'un jugement ayant rejeté une requête en irrecevabilité. Parmi les moyens soulevés par l'Appelant dans le cadre de son pourvoi, celui-ci plaide que le juge de première instance a eu tort de prendre pour avérés non seulement les faits allégués, mais également les qualifications faites par les Intimés de ces faits.

Dans une décision unanime, les juges Robert, Gendreau et Baudouin donnent raison à l'Appelante et soulignent que seuls les énoncés factuels doivent être tenus pour avérés:
[25]           En second lieu, le jugement a quo a également confondu qualification et allégation des faits pertinents.  Le juge ne devait tenir pour avérés les seuls faits que les intimés entendaient démontrer et non prendre pour acquis la qualification juridique donnée par ceux-ci à ces mêmes faits, qualification subjective et partisane. 
[26]           Notre Cour a bien établi cette distinction capitale dans l’arrêt Société des alcools du Québec c. Sa Majesté La Reine, R.E.J.B. 1998-08443 ( Juge P.A. Gendreau ) : 
À mon avis, ce sont les faits allégués qui doivent être tenus pour avérés et non la qualification qu’en donne le demandeur dans sa procédure. 
[27]           Il s’agit d’une seconde erreur de droit donnant ouverture à réformation. 
[28]           Dans le présent dossier, le simple fait qu’une partie ou son avocat ait été aperçu avec un ou des juges de la Cour supérieure et la constatation qu’Arthur est un « mal aimé » suffisait-il à porter atteinte à l’indépendance et l’impartialité de l’institution en tant que telle, malgré toutes les dispositions prises pour maintenir objectivement et assurer  l’impartialité des  magistrats  ( par  exemple,  la procédure  individuelle de récusation ). 
[29]           En résumé donc, le premier juge aurait dû trancher la question de savoir si, tenant les faits allégués, mais seulement ceux-là, pour avérés, il avait le pouvoir de rejeter en bloc l’action intentée par l’appelant.  Il avait donc à examiner le lien de droit entre l’ensemble parfois disparate et confus des faits allégués dans la requête des intimés et le remède recherché.  La jurisprudence sur ce point est on ne peut plus claire.  Le juge saisi d’une requête en irrecevabilité portant sur un point de droit précis doit trancher quelles que puissent être soit la difficulté, soit la complexité de la question. C’est, encore une fois en toute déférence, ce qui n’a pas été fait dans le présent cas.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/YRGUNg

Référence neutre: [2013] ABD Rétro 14 

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