mercredi 20 mars 2013

Non, des soupçons ne sont pas suffisants pour faire courir la prescription

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 27 juillet dernier, j'attirais votre attention sur l'affaire Paré (Succession de) (2012 QCCS 3276) et j'exprimais mon désaccord quant à la conclusion de la Cour à l'effet que la prescription commençait à courir dès qu'une partie a des soupçons sérieux qu'il existe un problème. Mon désaccord était basé sur le principe voulant que le droit d'action naît dès qu'une personne a connaissance de sa cause d'action (ou devrait avoir connaissance de celle-ci) et non pas avant. Or, cela semble également être la position de la Cour d'appel (je vous laisse deviner qui de la Cour ou moi a le plus d'importance dans ce débat...) puisque, dans Dufour c. Havrankova (2013 QCCA 486), elle vient de renverser une décision où la juge de première instance avait fixé le point de départ de la prescription à la date des soupçons.
 

Dans cette affaire, la juge de première instance a rejeté le recours le recours en responsabilité médicale des Appelantes au motif de la prescription. La juge en était venue à la conclusion que la prescription devait courir à partir du moment où les Appelantes souffraient de maux et soupçonnait le lien de ceux-ci avec les Intimés.
 
Un banc unanime de la Cour d'appel, formé des Honorables juges Thibault, Bich et Bélanger, renverse cette décision soulignant que les soupçons des Appelantes n'étaient pas suffisants pour faire courir la prescription:
[2] Avec égards, elle a cependant commis une erreur en fixant le point de départ de la prescription à la date à laquelle les appelantes ont cessé de consulter chacun des intimés, ou à l'époque à laquelle les appelantes ont consulté des avocats (été et automne 2007). Selon les allégations de la procédure introductive d'instance, les appelantes ont appris l'existence d'une possible erreur de diagnostic en janvier 2008, de sorte que leur recours, intenté en décembre 2010, n'était pas prescrit. 
[3] Les démarches dont fait état la pièce R-3/I-3, y compris auprès de certains avocats, à l'été et à l'automne 2007, n'établissent pas qu'à cette époque, les appelantes, qui n'avaient que des soupçons et recherchaient des réponses à leurs maux, connaissaient déjà la cause d'action. Les soupçons, en l'espèce, n'étaient pas suffisants pour faire naître leur droit d'action au sens de l'art. 2880 du Code civil du Québec. Les actions en justice ne sont pas des pêches à l'aveuglette et l'on ne poursuit pas quelqu'un dans le but de découvrir qu'il nous a causé préjudice, mais bien parce que l'on est, déjà, raisonnablement certain qu'il a commis une faute ayant causé préjudice.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/1636NLs

Référence neutre: [2013] ABD 113
 

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