mardi 19 mars 2013

La Cour du Québec accueille une action en dommages pour vices cachés nonobstant le fait que la partie demanderesse a procédé à la démolition avant de dénoncer le problème à la partie défenderesse

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En parcourant le présent blogue vous trouverez une multitude de billets écrits sur l'importance de la dénonciation rapides des vices cachés afin de satisfaire à l'exigence de l'article 1739 C.c.Q. Ce sujet est d'importance puisque la sanction qui découle de l'obligation imposée par le législateur est le rejet de l'action. Ainsi, il est fortement recommandé à toute partie qui constate l'existence d'un vice caché de le dénoncer le plus rapidement possible à son vendeur. J'attire par ailleurs votre attention ce matin sur une décision assez surprenante où la Cour accueille en partie une action en dommages pour vices cachés même si les installations pertinentes ont été démolies avant que le vice soit dénoncé à la partie défenderesse. Il s'agit de l'affaire Russell c. Corradi (2013 QCCQ 1908).
 

Dans cette affaire, alors qu'elle s'apprête à vendre sa maison, la Demanderesse découvre un problème important de moisissure au sous-sol. L'odeur étant intolérable, la Demanderesse fait presque immédiatement détruire la salle de bain et la pièce adjacente où l'on retrouve ladite moisissure. Ce n'est qu'après cette démolition que la Demanderesse dénonce l'existence de ce vice caché aux Défendeurs. Ceux-ci demandent donc le rejet du recours en raison de la dénonciation tardive.

Saisie de l'affaire, l'Honorable juge Julie Veilleux accueille l'action en partie seulement.

D'abord, elle reconnaît que la dénonciation du vice est faite tardivement, de sorte que la Demanderesse ne peut obtenir compensation pour les travaux de démolition:
[43] Finally, considering the circumstances in which the mold was discovered, there is no doubt in the Court’s mind that this defect was latent. 
[44] The issue raised by Defendants is whether they were deprived of verifying the existence and extent of the defect when it was discovered and the need to demolish, decontaminate and rebuild part of the basement. Their contention is that they were not informed of the discovery of the mold prior to the demolition of the bathroom and the adjacent room. In that respect, they plead that they were informed a posteriori, and argue that Plaintiff’s omission is fatal to her claim. They filed authorities supporting their argument. 
[45] Defendants' contention regarding the demolition phase is well founded. They were informed by Plaintiff of the discovery of the mold after the demolition was completed and after the bin was removed. In that respect, they were presented with a fait accompli. Consequently, Plaintiff cannot recover the expenses incurred for the demolition and the container.
Cependant, selon la juge Veilleux, cela ne justifie par le rejet du recours au complet. En effet, les travaux de démolition n'ayant pas empêché les Défendeurs de prendre connaissance du problème de moisissure et d'y remédier, cet aspect de la réclamation est accueilli:
[46] However, the Court must consider Plaintiff's testimony that there was no change whatsoever made in the basement between the time of Mr. Edwards' and Mr. Martin's visits. In addition, the proof demonstrates that following the completion of the demolition work, it was possible for several experts to observe the following:
The slope in the basement.
The uncovered drainage system.
The lack of a vapour barrier.
Discoloration of the concrete slab.
The mold on the door frame.
The drain with the silicon.
The electrical panel.
[47] More specifically, Mr. Martin, a decontamination expert, saw and examined the basement as late as October 2011 and testified as to his findings:
Microbiological growth on the plywood and the 2 x 4’s.
Black spotting.
Discoloration of the concrete slab.
Uncovered drainage.
[48] His findings led him to suggest a decontamination method to Plaintiff. 
[49] If it was possible for Mr. Martin to make these observations and findings in October, Mr. Edwards should have been able to make similar observations on July 30th. In other words, although the basement was demolished by the time Defendants and their expert came, it was still possible to make substantial findings with respect to the existence of the mold and the extent of the problem. There is no proof whatsoever that an analysis of the rotten material or mold would have, in any way, contributed to exonerate Defendants’ liability. 
[50] The facts of the present case must be distinguished from those discussed in the jurisprudence pleaded by Defendants as only demolition, and not repairs, was done before Defendants were informed of Plaintiff’s discovery. 
[51] It is relevant to cite an extract of author Jobin, in La Vente :
169– Préavis. Sanction – Le préavis constitue une condition de fond de la garantie. Comme dans l’ancienne jurisprudence, lorsqu’il n’a pas été donné et qu’aucune exemption ne s’applique, l’action intentée par l’acheteur contre le vendeur doit donc en principe être rejetée, selon la jurisprudence. Il s’agit certes d’une sanction sévère. Elle est justifiée quand l’acheteur a réparé le bien ou l’a revendu sans laisser au vendeur la chance de vérifier s’il s’agit bel et bien d’un vice couvert par la garantie, notamment. Il n’en reste pas moins que cette« technicalité » permet alors au vendeur d’échapper à toute sanction alors que normalement l’acheteur aurait droit au moins à une réduction du prix, ou souvent à la résolution, ainsi qu’à des dommages-intérêts dans bien des cas. C’est ce qui explique les nombreuses dispenses de préavis, signalées plus haut.Pour cette même raison, on a décidé, avec raison selon nous, que la sanction devrait être radicale (rejet de l’action) uniquement lorsque l’omission du préavis a privé le vendeur de la possibilité de vérifier l’existence et la gravité du vice et de le réparer; qu’une simple diminutioin des dommages-intérêts ou un ajustement à la baisse de la réduction du prix conviendrait mieux aux cas où le défaut de préavis a simplement privé le vendeur de la possibilité de réparer lui-même le vice à meilleur compte. 
Une comparaison avec la Convention de Vienne, l’une des sources principales de notre article 1739, plaide en faveur d’une certaine souplesse dans la sanction du préavis. En effet, cette convention présente deux facettes sur ce point précis : d’une part, elle fait de l’envoi du préavis une obligation stricte que l’acheteur doit respecter sous peine de déchéance (article 39, paragraphe 1); d’autre part, elle laisse subsister la réduction du prix et les dommages-intérêts quand l’acheteur n’a pas donné le préavis selon les prescriptions mais qu’il présente une excuse raisonnable et – exception remarquable – elle exempte l’acheteur de tout avis quand le vendeur connaissait ou est présumé avoir connu la non-conformité (article 40). 
Une autre solution possible au défaut de préavis, enfin, consisterait à rejeter l’action avec dépens en permettant à l’acheteur de se pourvoir de nouveau après avoir donné un préavis en bonne et due forme. Ne serait-ce pas là toutefois édulcorer l’exigence du préavis et le confondre totalement avec la mise en demeure?
[52] The Court finds that Defendants were not deprived of observing the mold (namely on the door frame), the slope, the absence of a vapour barrier, the discoloration of the concrete slab and the uncovered drainage system. Therefore, the fact that the demolition took place before Plaintiff sent Defendants her notice under Section 1739 C.C.Q., is not fatal to her claim. 
[53] Defendants' argument must be set aside in that respect.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/14auDXy

Référence neutre: [2013] ABD 111

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