dimanche 10 février 2013

Dimanches rétro: l'article 2895 C.c.Q. s'applique en cas de rejet pour défaut de fournir des précisions ou des documents

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La question de savoir si l'article 2985 C.c.Q., lequel prévoit que l'action rejetée pour une raison autre que le "fond" peut être ré-instituée dans les trois mois même si techniquement prescrite, s'applique en cas de rejet pour abus de procédure n'est pas simple. En novembre 2010, j'avais attiré votre attention sur l'affaire Grill Newman Inc. c. Pépin (2010 QCCS 5210), où l'Honorable juge Richard Mongeau avait conclu que la réponse à cette question était affirmative (voir notre billet ici: http://bit.ly/WUt35Z). Or, bien que la Cour d'appel a confirmé cette décision dans Grill Newman inc. c. Pépin (2012 QCCA 200), elle l'a fait pour d'autres motifs et elle a expressément refusée de ce prononcer sur la question qui nous intéresse. Sans pouvoir vous donner aujourd'hui une réponse claire à cette épineuse question, je peux attirer votre attention sur l'affaire Genest c. Labelle (2009 QCCA 2438) dans laquelle la Cour avait indiqué que l'article 2895 C.c.Q. s'applique lorsque le recours a été rejeté pour défaut de fournir des précisions ordonnées par la Cour.
 

Dans cette affaire, l'Appelante attaque un jugement qui a rejeté son action en raison de son défaut de fournir les précisions ordonnées par la Cour. 
 
Dans l'analyse de la raisonnabilité de la sanction imposée par la Cour supérieure, i.e. le rejet, l'Honorable juge Marie-France Bich se pose la question de savoir si l'Appelante pourra prendre un nouveau recours. En effet, son recours serait théoriquement prescrit suite au rejet, de sorte que l'application de l'article 2895 C.c.Q. devient une question importante.
 
Après analyse, la juge Bich en vient à la conclusion que cet article s'applique en l'instance puisque le recours n'a pas été rejeté au "fond":
[40] D'autre part, le présent dossier se prête d'autant mieux à cette reconsidération du principe que l'article 2895 C.c.Q. s'applique et empêche que les droits de l'appelante, sur le fond, ne soient irrémédiablement perdus.  
[...] 
[43] Au contraire de cette affaire, où il s'agissait du désistement réputé promulgué par l'article 274.3 C.p.c., il y a eu ici rejet de la demande au sens de l'article 2894 C.c.Q., rejet prononcé par jugement. Considérant l'effet de l'appel et considérant l'article 2896 C.c.Q., il résulte que si la Cour confirme ce jugement, l'action n'étant pas rejetée sur le fond, l'appelante pourra donc, dans les trois mois de l'arrêt, intenter une nouvelle action contre les intimés (compte tenu des faits de l'espèce, on peut supposer que, n'était-ce de l'article 2895 C.c.Q., le droit d'action de l'appelante contre les intimés serait prescrit). Autrement dit, si le jugement de première instance était confirmé, l'appelante ne serait pas privée de son droit ni de faire valoir celui-ci. 
[44] Évidemment, le rejet de l'action à ce stade suivi de la réintroduction de l'action impliquera des coûts que l'appelante devra en principe assumer : dépens de l'appel et du jugement de première instance, mais aussi coûts d'une reprise devant la Cour supérieure. L'avocat de l'appelante a d'ailleurs souligné la chose, arguant que cela constitue un élément militant en faveur de sa cliente, vu l'importance des coûts en question, qui la pénaliseraient durement, l'action réclamant des sommes supérieures à dix millions de dollars.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/WeKWMP

Référence neutre: [2013] ABD 6

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