vendredi 18 janvier 2013

Le jugement rendu en cours d'instance qui est susceptible d'appel immédiat ne peut être remis en question lors de l'appel au fond si plus de 30 jours se sont écoulés

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il est particulièrement important pour les plaideurs de bien maîtriser les règles relatives aux appels des décisions interlocutoires ou rendues en cours d'instance, à défaut de quoi l'on risque de perdre irrévocablement des droits. La décision récente de la Cour d'appel dans Montréal (Ville de) c. Wilson Davies (2013 QCCA 34) illustre bien l'impact que peut avoir le défaut de porter une décision en appel lorsque cet appel doit être immédiat.


Dans cette affaire, l'Appelante cherche le réformation d'un jugement qui l'a condamné à payer aux Intimés plus de 900 000$ en dommages.

À la suite d'une chute en vélo survenue le 12 mai 2007, alors qu'elle circule sur le boulevard Ste-Croix à Montréal, l'Intimée fut grièvement blessée. Son recours en responsabilité civile contre la ville a été accordée par la juge de première instance, laquelle en est venue à la conclusion que l'Intimée a été victime d'un piège.
 
Un des reproches principal de l'Appelante à l'égard du jugement de première instance est le fait que la juge a accepté la thèse proposée par l'expert des Intimés. L'Appelante allègue en effet que celui-ci a changé radicalement sa thèse lors du procès et que celle-ci est invraisemblable.
 
La Cour d'appel, dans un jugement unanime rédigé par l'Honorable juge André Rochon, ne retient pas ce moyen d'appel. Il souligne à cet égard que la preuve présentée sur le sujet par les Intimés n'a pas été valablement contestée, puisque la juge de première instance a refusé à l'Appelante la permission de déposer une contre-expertise lors du procès. Cette décision était appelable immédiatement et le défaut pour l'Appelante de ce faire implique que cette décision est maintenant finale et non revisable:
[30] Outre le fait que ce moyen se veut une remise en cause des constats de fait du juge du procès et de son évaluation de la crédibilité de l'expert Cojan, il rencontre un obstacle dirimant. 
[31] Après deux jours de procès, les avocats de l'appelante se sont dits surpris de la volte-face de l'expert Cojan. Ils ont alors requis du tribunal la permission de faire entendre un expert en génie biomécanique qui n'était pas annoncé jusque-là. 
[32] Cette expertise supplémentaire était nécessaire, selon l'appelante, pour contrer le nouveau scénario de l'expert Cojan. 
[33] Séance tenante (20 janvier 2011), la juge de la Cour supérieure a rejeté cette demande. La juge s'est dite d'avis qu'il ne s'agissait pas d'un nouveau scénario de l'expert Cojan, mais bien d'une variation sur un même thème. Elle a conclu que l'appelante avait déjà trois experts à sa disposition et qu'elle était parfaitement en mesure de faire une défense pleine et entière. 
[34] Ce jugement interlocutoire, qui doit être assimilé à un jugement qui maintient une objection à la preuve, n'a pas fait l'objet d'un appel immédiat. Le jugement au fond fut prononcé le 9 septembre 2011. Par son inscription en appel du 7 octobre 2011, l'appelante ne pouvait remettre en cause le jugement interlocutoire du 20 janvier 2011. 
[35] Qui plus est, l'appelante a décidé de ne pas faire entendre au procès deux de ses trois experts qui auraient été en mesure d'attaquer la thèse de l'accident défendue par l'expert Cojan. 
[36] La situation est donc la suivante. L'intimée a fait la preuve du scénario le plus probant des circonstances de l'accident. Cette preuve fut retenue par la juge de première instance. L'appelante n'a fait aucune preuve à cet égard. Son seul témoin expert fut Denise Belzile dont le témoignage ne portait pas sur le scénario élaboré par l'expert Cojan. L'expert Belzile a témoigné avant tout sur les carences et la nature des dommages infligés au vélo de l'intimée. 
[37] Partant, en l'espèce, ce premier moyen par lequel l'appelante demande la réformation d'un jugement dont l'assise repose sur une preuve non contredite me paraît voué à l'échec.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Xk7wR8

Référence neutre: [2013] ABD 27

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