vendredi 25 janvier 2013

Dans certaines circonstances, le taux d'intérêt stipulé dans un contrat pourra être qualifié de clause pénale et donc être réduit par la Cour

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Pour terminer la semaine, j'attire votre attention sur une décision récente de la Cour du Québec à propos de la possibilité de qualifier les clauses qui fixent le taux d'intérêt applicable en cas de défaut de clauses pénales pour ensuite pouvoir réduire l'obligation. Il s'agit de l'affaire Chauffage P. Gosselin inc. c. Transport RBR inc. (2013 QCCQ 226).
 

Dans cette affaire, la Demanderesse réclame une condamnation solidaire contre les Défenderesses pour une somme de 5 726,78 $ en capital et intérêts pour des produits pétroliers vendus. Sur cette somme, la Demanderesse réclame un intérêt au taux de 24 % l'an à compter du 25 avril 2012 et/ou l'intérêt légal à compter de l'assignation, plus 1 291,34 $ de dommages-intérêts avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle depuis l'assignation, puis les dépens.

Après en être venue à la conclusion que le recours de la Demanderesse est bien fondée, l'Honorable juge Lina Bond se penche sur la question du taux d'intérêt à appliquer. À ce chapitre, elle souligne que le taux est ici stipulée comme une sorte de pénalité, de sorte qu'il s'agit d'une clause pénale qui peut être réduite par la Cour conformément à l'article 1623 C.c.Q.:
[14] Ce contrat contient des clauses standards imposées par la demanderesse, lesquelles n'ont jamais été négociées ni n'étaient négociables. En effet, comme en témoigne le directeur de crédit, monsieur Gaétan Carpentier, il s'assure qu'aucune clause n'est raturée ou modifiée sinon, l'ouverture de crédit est refusée. 
[15] La clause 4 prévoit un taux d'intérêt de 24 % l'an applicable sur retard à payer la facture dans les quinze jours de sa date et la clause 5 fixe une pénalité de 25 % sur le solde dû advenant le recours à un avocat pour percevoir la créance. 
[16] Dans un arrêt récent, la Cour d'appel examine ce type de clause contenue dans un contrat de services, conclut qu'elle est abusive et réduit à 15 % le taux d'intérêt et les frais de recouvrement :
[11] Après analyse du contrat intervenu entre les parties, il ressort qu'il contient à sa dernière page, sous la rubrique « conditions particulières »,des clauses non négociées, apparemment standards pour l'intimée, dont une, au coeur du différend devant la Cour, ainsi rédigée : 
Pénalité 
Au-delà de 30 jours, de la date de facturation, les montants impayés seront majorés d'un intérêt au taux de 2 % par mois de retard ou 24 % par année. 
En cas de litige ou de recours aux tribunaux pour recouvrer des montants impayés, des frais de cour et extrajudiciaires correspondants à un minimum de 850.00 $ et/ou de 25 % de la facture totale seront ajoutés au montant de la facture. 
[12] Cette clause prévoit en réalité une double pénalité. L'une s'applique au retard de payer un montant dû, l'autre en cas de nécessité d'une poursuite. 
[…] 
[16] De l'avis de la Cour, la clause en litige, imposée par l'intimée, considérée dans sa globalité, constitue une clause pénale abusive au sens de l'article 1623 C.c.Q. 
[17] Dans sa première partie, le taux d'intérêt mentionné, 24 %, constitue une peine comminatoire (il vise non seulement à compenser le préjudice du retard à payer, mais aussi à punir le cocontractant tant il excède actuellement le montant des dommages-intérêts autrement applicables, soit le taux légal majoré de l'indemnité additionnelle; Beaudoin et Jobin, Les obligations, 6eéd., 2005, n0 120, p. 168-170). Dans sa deuxième partie, la formule est ambiguë et si le pourcentage y indiqué, 25 %, doit s'appliquer en l'espèce, il apparaît lui aussi de nature comminatoire. 
[18] Les pourcentages indiqués sont ainsi réductibles par la Cour (art. 1623 C.c.Q.).
[17] Le Tribunal applique le même raisonnement dans la présente affaire, compte tenu de la similitude des clauses avec celles examinées par la Cour d'appel et réduit à un taux global de 15 % les intérêts et la pénalité pour les frais de recouvrement. 
[18] Le montant réclamé est donc réduit à 5 482,38 $, soit la valeur du capital, auquel s'ajoute 15 % d'intérêt à compter du 25 avril 2012.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/WVMgD9

Référence neutre: [2013] ABD 38

Autre décision citée dans le présent billet:

1. 9149-5408 Québec inc. c. Groupe Ortam inc., 2012 QCCA 2275.

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