mardi 16 octobre 2012

La partie qui invoque une fin de non-recevoir doit elle-même avoir les mains propres

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans la première édition des Dimanches rétro cette semaine, nous discutions de l'application de la théorie des mains propres dans le cadre de procédures d'injonction (voir notre billet de dimanche ici: http://bit.ly/R2PIM0 et nos autres billets sur la théorie des mains propres ici: http://bit.ly/SW3FYc). Mais son champs d'application n'est pas limité aux recours en injonction, s'appliquant plus généralement chaque fois que l'on demande à la Cour d'appliquer un pouvoir discrétionnaire. C'est ainsi que l'Honorable juge Carole Therrien, dans Conditionnement Bio-Pak Inc. c. 9185-5908 Québec Inc. (2012 QCCS 4737), sans y référer expressément, applique la théorie des mains propres à la présentation d'un moyen de fin de non-recevoir.
 

Le jugement nous traitons réuni deux actions distinctes. La première action vise à obtenir l'expulsion de la Défenderesse du local qui abrite ses activités commerciales, la déposséder de ses équipements de production et la condamner à des dommages. La Défenderesse conteste les demandes formulées par la Demanderesse et ajoute, subsidiairement, qu'une fin de non-recevoir doit leur être opposée en raison de la mauvaise foi d'un des intervenants dans la relation contractuelle en cause.
 
Plus spécifiquement, la Défenderesse allègue que cet intervenant a agit de mauvaise foi, de sorte qu'une fin de non-recevoir doit être opposée au recours qui est formulé contre elle.
 
La juge Therrien discute d'abord des préceptes de base de la fin de non-recevoir:
[129] La fin de non-recevoir sanctionne le comportement fautif du cocontractant qui tire, par sa mauvaise foi, un avantage causant directement un préjudice à son associé. 
[130] La mesure demeure exceptionnelle et s'appuie sur l'obligation de bonne foi devant caractériser les rapports contractuels. Comme le souligne la Cour d'appel : il s'agit avant tout d'une question de fait qui doit être analysée sous l'angle de la bonne foi et de l'équité.
Cependant, souligne la juge Therrien, la partie qui invoque la fin de non-recevoir doit elle-même avoir eu un comportement irréprochable, ce qui n'est pas le cas en l'instance:
[131] La preuve a révélé que les deux parties ont intenté de multiples procédures suite aux mésententes survenues en mai 2010. Lévy accusant Azoulay de mauvaise foi et vice versa. Les deux hommes ont, à tour de rôle, témoigné quant à leur vulnérabilité face à l'autre. Tous deux s'estiment victime de l'autre. Azoulay considère s'être fait subtiliser sa compagnie, son gagne-pain acquis à force de travail depuis de nombreuses années.  
[132] Lévy de son côté, se décrit comme un «petit banquier» exploité par Azoulay. Il croit qu'Azoulay manigance depuis le début pour l'évincer, après avoir profité de ses liquidités. 
[133] La jurisprudence a certes rectifié certaines situations au profit d'innocentes victimes de relations contractuelles déséquilibrées. Il appert toutefois que le demandeur d'un tel redressement doit démontrer un comportement irréprochable.  
[134] La Cour d'appel a évoqué l'impact de la participation du demandeur de l'application de la fin de non-recevoir. Le juge Rochon s'exprime ainsi :
«Il va sans dire que j'aurais rejeté cette fin de non-recevoir si les courtiers s'étaient fait les complices de Cofo dans cette supercherie ou y avaient participé d'une quelconque façon. »
[135] Lévy s'est engagé dans une relation contractuelle risquée visant la réalisation rapide d'un profit. Pour y parvenir, Lévy a participé à la mise en place d'une situation juridique confuse visant à maintenir obscures les ententes qui le lient à Azoulay. Sa participation l'empêche de revendiquer l'application de la fin de non-recevoir à l'endroit d'Azoulay.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/SYg7LG

Référence neutre: [2012] ABD 371  

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